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Les jeudis de la BRA - L’actualité éditoriale de l’IMAF - Mars 2017

Gaetano Ciarcia présente :

Le revers de l’oubli. Mémoires et commémorations de l’esclavage au Bénin
Discutante : Marie-Aude Fouéré

Bibliothèque de recherches africaines,
9 rue Malher, 75004 Paris. Métro Saint-Paul
Le jeudi 23 mars 2017 à 18h

Sur les lieux de la Route de l’Esclave dans le Bénin méridional, l’institution d’une mémoire officielle de la traite négrière a été accompagnée, dans les années 1990, d’un mouvement de réforme des cultes vodun mené par leurs dignitaires ainsi que par des élites intellectuelles et politiques.

Issu d’enquêtes effectuées entre 2005 et 2012, ce livre propose une analyse de certains espaces publics et cérémoniels porteurs d’un héritage culturel et moral émanant du passé esclavagiste. À la fois sélective et projective, la mémoire de ce passé suscite des interprétations, des fictions et des récits, mais également des oublis créateurs, entre reconstitutions consensuelles et versions partiales des faits historiques.

Le rappel d’événements récents, mais déjà fondateurs – tels le Festival des arts et de la culture vodun Ouidah 92. Retrouvailles Amériques-Afrique en 1993 ; le lancement de la Route de l’Esclave en 1994 ; la création de la Fête nationale du vodun en 1997 ; la tenue annuelle, depuis 1998, de la Marche du repentir – est associé ici à une réflexion sur le moment patrimonial contemporain.

Au prisme des rapports entre narrations locales, savoir ethno¬graphique et vulgates missionnaires, cette recherche interroge l’émergence actuelle d’une connexion mémorielle entre figures du passé de l’esclavage et entités vodun devenues l’expression d’une religion à la fois « endogène » et « diasporique ».

Pendant la présentation, des extraits du film documentaire « Mémoire promise » seront projetés.

Ce documentaire tourné en 2012, entre les villes de Ouidah, ancien comptoir et port négrier, et Abomey, ancienne capitale du royaume esclavagiste du Danhomé, se veut la chronique de la quête de deux mémoires qui se cherchent, se croisent, font corps et se séparent sans cesse : celle de la traite transatlantique et celle des cultes dits vodun.
Sur les lieux du programme Unesco de la Route de l’Esclave, nous observons la tentative d’inversion des stigmates du passé, qui devrait permettre aujourd’hui à une histoire tragique de se racheter sous forme de discours mythique. Dans le Bénin contemporain, l’époque « païenne », qui a vu naître des cultes encore pratiqués par une partie importante de la population, et l’époque tragique de la déportation océanienne sont mises en scène en tant qu’héritage culturel, religieux et diasporique.
Il s’agit bien d’une mémoire promise qui, tout en étant à la recherche de consensus et se voulant réparatrice, est brouillée sans cesse par des liens et des "oublis" conflictuels : entre Africains et Afro-Américains, entre cultes vodun et morale chrétienne, entre discours officiels et réminiscences intimes, entre les souvenirs de ceux qui s’identifient aux descendants des anciens razzieurs et les discours de ceux qui se réclament être les descendants de leurs victimes.

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