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Présentation de l’ouvrage de Aloys TEGERA BUSEYI

Aloys Tegera Buseyi, Les Banyarwanda du Nord-Kivu (RDC). Histoire d’un groupe transfrontalier au XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2021, 457 p.

  • La présentation de l’ouvrage aura lieu le 16 mai 2022, à 19h, Espace Harmattan, 24 rue des écoles 75005 Paris


Compte-rendu de Jean-Pierre Chrétien :

Le Nord-Kivu subit des violences incroyables depuis une trentaine d’années. Cet ouvrage offre le premier décryptage de l’histoire de cette région, sur le long XXe siècle, par-delà les clichés venus des réécritures de l’ethnologie coloniale.
A partir des Archives africaines de Bruxelles, des monographies de chercheurs locaux et d’enquêtes de terrain, il met en lumière quatre aspects fondamentaux :
- D’abord la situation « transfrontalière » de populations partagées à la fin du XIXe siècle entre les domaines coloniaux belge (le Congo), allemand (le Rwanda) et britannique (l’Ouganda) Sur le papier, les habitants du Nord-Kivu (les Banande, séparés de leurs frères Bakondjo, les Bahunde, des Banyarwanda) se trouvèrent affectés à un étrange « Etat du Congo » (devenu le Congo belge en 1908).
- La fabrique d’antagonismes dits ethniques, qualifiés « d’ataviques », occultant le rôle de ce bouleversement exogène dans les concurrences et les préjugés pseudo-scientifiques. Le cas des « Banyarwanda » apparait comme emblématique : ces Rwandophones, dont une partie seulement (le Bwisha) relevait du royaume rwandais, allaient se retrouver stigmatisés comme « étrangers » à un pays qui, en tant que tel, n’existait pas avant la colonisation.
- Le jeu des migrations interafricaines contemporaines, liés à l’essor d’une nouvelle économie de rente, fondée sur l’exploitation minière, sur une agriculture détenue par des colons européens et sur la mainmise foncière liée à la création en 1925 du parc national Albert. Le besoin de main d’œuvre entraîna une immigration importante de travailleurs venus du Rwanda voisin, également contrôlé par les Belges depuis la Première Guerre mondiale et dont gestion était dès lors intégrée à celle du Congo.
- Les stratégies politiques contemporaines, branchées sur les redécoupages territoriaux, et donc électoraux, dans le cadre de la Province du Kivu. Le poids démographique des Banyarwanda (autochtones comme immigrés), mal vécu par leurs voisins, fut instrumentalisé et les passions identitaires mobilisées jusqu’à nier leur identité nationale congolaise. Cette propagande tourna à la violence dès les année 1960, et surtout avec les massacres de Rwandophones en mars 1993, puis avec la contagion d’un racisme antitutsi sous la pression des réfugiés hutu rwandais, au lendemain du génocide de 1994. Ce livre montre comment les slogans liés à une réinvention de la tradition ont débouché sur des massacres de masse.