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Histoire sociale de l’Afrique Orientale, de la Mer Rouge et de l’Océan indien, XIXe-XXe siècles : archives, corps, subjectivités

Séance du 29 avril 2016, de 14h à 17h, EHESS, Bâtiment Le France, salle du conseil B, R-1, 190-198 av de France, 75013 Paris

Les archives du génocide

 Hélène Dumas, chargée de recherche CNRS-LAM, helenedumas.uw@gmail.com,
Les voix du génocide : une étude des témoignages judiciaires des survivants (TPIR, gacaca)

 Florent Piton, doctorant contractuel à l’université Paris 7 - Denis Diderot – CESSMA, florentpiton1@gmail.com
Le génocide invisible ? L’apport des archives administratives dans l’écriture de l’histoire locale de la violence au Rwanda (1990-1994)

Un simple détour aux archives nationales à Kigali, ou dans tout autre dépôt d’archives locales, le confirme : l’État rwandais était un grand producteur de papiers, des volumineux rapports annuels transmis par les administrations à la correspondance quotidienne entre les services, en passant par les procès-verbaux de réunions ou les multiples rapports sur la démographie, la sécurité, la production agricole, l’éducation, ou le nombre de chèvres vendues au marché. Ce constat, bien documenté sur la deuxième République (1978-1990), est tout aussi vrai pour la période de la guerre et du génocide (1990-1994). Alors que l’historiographie récente de cette période mobilise surtout les archives judiciaires et les sources orales, ma communication vise à interroger l’intérêt heuristique de ces archives administratives pour une histoire locale de la violence au Rwanda entre 1990 et 1994. Les massacres et les attaques ciblées contre les Tutsi sont certes largement ignorés de ces archives, tout autant que la mobilisation des organes de l’État dans la polarisation ethnique. Doit-on pour autant en conclure à l’invisibilité du génocide et des violences qui l’accompagnent dans ce corpus documentaire ? Sa lecture informe en effet la mise en place des structures de l’autodéfense civile dans le cadre de la guerre, de même que l’intensité des violences politiques sur les collines. On mesure ainsi la porosité qui s’installe entre les différents registres de violences, de guerre, politiques et génocidaires. En outre, l’attention portée à la « langue des archives », en français comme en kinyarwanda, vient redoubler les analyses sur les « mots du génocide » tels qu’ils ressortent des discours publics ou des médias écrits et radiophoniques. Enfin, l’examen des lignes de force, des creux et des silences de ces archives dresse les contours d’un espace mental irrigué par la peur et la menace, dans un contexte marqué par la guerre et le multipartisme. Le matériau archivisitique ne nous permet donc pas seulement d’écrire une histoire factuelle, et en quelque sorte positiviste, du génocide perpétré contre les Tutsi. Il est une porte d’entrée vers les pratiques, les discours et les représentations qui conditionnent la nature du dernier génocide du XXe siècle.

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