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Paroles de papiers : discours et matérialité en contextes africains

Appel à contributions

Dans le cadre de la journée d’étude du 15 mars 2017
Organisée par l’Institut des Mondes Africains (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et le Centre for Middle Eastern Studies (université de Bergen),
Date limite pour l’envoi des résumés : 30 juin 2016
Date limite pour l’envoi des communications sélectionnées : 15 janvier 2017

Jusqu’à récemment, la recherche de textes et narrations inédits a été au cœur du travail des historiens afin d’écrire l’histoire des sociétés africaines dans la longue durée. La métaphore du mineur à la recherche de la pépite d’or perdue dans un monceau de gravats sans valeur (Riello, 2007) illustre la condition de l’historien ignorant ce qui porte le contenu : son support matériel, spécialement pensé, organisé et conçu pour le futur lecteur. En effet, avant d’entrer dans le contenu d’une lettre, d’un document juridique ou religieux, d’une inscription épigraphique ou d’un journal, l’historien fait face à un objet qui est un outil de communication intégré dans une interaction concrète entre le ou les originaires et le ou les destinataires (Stollberg-Rilinger, 2008).
L’étude du document en tant que producteur de discours implique de nombreux terrains de recherche, comme l’histoire religieuse, sociale et politique, avec toujours trois questions à la clef : quel est le message exprimé par le créateur de l’objet ? Quels furent les outils matériels et immatériels utilisés afin de communiquer ce message ? Comment l’objet porteur du message affectait-il la sensorialité du ou des destinataires, qu’ils soient acteurs historiques ou historiens, et comment l’objet prépare-t-il à la lecture du texte ? À ces questions, une dernière vient s’ajouter : celle des itinéraires et du recyclage des supports dans le temps long.
En se concentrant sur les sociétés africaines ayant développé une culture de l’écrit propre, comme l’Afrique islamique, la Nubie chrétienne et l’Éthiopie, cette journée d’étude vise à analyser les messages exprimés à travers les supports et leurs interactions avec leur contenu textuel en décryptant la mise en page, les images et les styles d’écriture choisis par leurs auteurs et les copistes. Croisés avec l’étude textuelle des documents, ces éléments peuvent mettre en lumière des messages contradictoires, des sous-textes et des histoires qui seraient restés silencieux autrement, ce qui montre la manière dont la lecture à plusieurs niveaux d’un objet peut nous restituer d’une histoire plus complexe.
Cette journée d’étude, qui s’inscrit dans le cadre de la collaboration entre le Centre for Middle Eastern Studies de l’université de Bergen et l’Institut des Mondes Africains de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a pour but la préparation d’une publication collective. Les discussions s’articuleront autour des contributions qui auront circulé au préalable sous forme d’articles auprès des contributeurs. Pour chaque article, les débats seront animés par deux relecteurs sélectionnés parmi les contributeurs. Les participants sont encouragés à soumettre des travaux originaux autour de l’un des trois axes de recherche suivants :
 Émotions, sensorialité et matérialité du document historique. Le corps du lecteur et des récepteurs est placé au centre de cette perspective d’analyse. Il s’agit de se focaliser sur la place de l’émotion et de l’affectivité dans le processus historique (Rosenwein, 2010), et notamment sur les émotions construites et transmises par les documents : quel était le pouvoir d’émouvoir du corpus documentaire ? De quelle manière le document affecte et implique le corps de l’interlocuteur ? Comment celui-ci bouleverse et pousse à l’action ? (Boquet et Piroska, 2011). Le support, comme le texte, exprime, véhicule et provoque des émotions. Comment les historiens peuvent-ils analyser ces conceptions et ces usages du registre affectif ? En redonnant sa chair aux sources, aux textes et à leurs supports, il s’agit aussi de se pencher sur le message sensoriel qui se dégage des documents. L’historien peut alors reconsidérer le sens, la visualité, l’odeur, la texture et la sonorité qui se dégagent du document.
 En quête d’authenticité : support, certification et contrefaçon. La diplomatique, une des premières disciplines scientifiques à s’être intéressée à la paratextualité d’un document, est née en Europe à l’époque moderne afin de donner aux juristes les outils méthodologiques pour pouvoir authentifier un document et reconnaître les contrefaçons (Guyotjeannin et al., 2006). Toutefois, cette problématique est largement partagée dans les sociétés de l’écrit. Le support des documents textuels devient le réceptacle de codes et de normes qui permettent d’authentifier un document ou de tromper son destinataire. Cet axe se propose d’analyser comment les scribes ou les autres professionnels de l’écriture développèrent des normes figuratives et techniques afin d’exprimer la légitimité et la puissance des autorités pour lesquelles elles travaillaient, qu’elles soient religieuse, politiques ou commerciales. Dans un même élan, les contributions mettant en avant la dimension du faux et du fictif, autant que les processus de fabrication des documents falsifiés et leurs différents traitements par les acteurs historiques et les historiens seront particulièrement attendues.
 Circulations, recyclage et récupération du support. Dans de nombreux contextes, les lettres traversent les mers et les déserts, les stèles sont détachées et déplacées, les surfaces vides sont utilisées pour écrire de nouveau. Si enquêter sur les supports contribue à une meilleure compréhension des circulations matérielles et immatérielles en Afrique et au-delà, leur recyclage apporte également une seconde vie à l’objet. La question du réemploi des supports écrits ainsi que de leur récupération à des fins politiques, religieuses ou esthétiques n’a jusqu’ici été que très brièvement abordée par les historiens et les archéologues (Thyrza Sparks, 2013). Enfin, le parcours du document et le processus de recyclage ne s’arrêtent pas quand l’objet devient une matière de travail pour l’historien, il faut aussi prendre en compte le processus transformatif qui se réalise avec son utilisation et sa manipulation comme source historique, tout comme le processus d’édition ou d’archivage.

Calendrier
Nous invitons les personnes souhaitant contribuer à la journée d’étude et à la publication qui suivra à nous envoyer une proposition d’article avant le 30 juin 2016 avec : un titre, un résumé de 500 mots maximum incluant une description de la ou des sources utilisées et de la méthodologie choisie, un CV académique de deux pages maximum, aux adresses électroniques suivantes : remi.dewiere@orange.fr ; silviabruzzi@yahoo.it.

Les propositions seront évaluées par les membres du projet franco-norvégien Aurora, qui annonceront les propositions sélectionnées début septembre 2016.
L’envoi de la communication, de 9.000 mots maximum, en anglais ou en français, devra être fait avant le 15 janvier 2017, afin de laisser le temps aux autres membres de prendre connaissance des articles avant la journée d’étude, organisée le 15 mars 2017.
Nous avons pour objectif la soumission d’un manuscrit à un éditeur ou un numéro thématique à une revue scientifique avant le mois de juillet 2017.

Références
BOQUET, Damien et PIROSKA, Nagy, « Une histoire des émotions incarnées », Médiévales, Langues, Textes, Histoire, 61, 2011, p. 5-24.
GUYOTJEANNIN Olivier, PYCKE, Jacques et TOCK, Benoît-Michel, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brepols, 2006.
RIELLO, Giorgio, MINARD, Philippe (trad.), « La globalisation de l’Histoire globale : une question disputée », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54 (4), 2007, p. 23-33.
ROSENWEIN, Barbara H., « Problems and Methods in the History of Emotions », Passions in Context, 1 (1), 2010, p. 1-32.
STOLLBERG-RILINGER, Barbara, LAROCHE, François (trad.), « La communication symbolique à l’époque pré-moderne. Concepts, thèses, perspectives de recherche », Trivium [en ligne], 2, 2008, http://trivium.revues.org/1152.
THYRZA SPARKS, Rachael, « Re-writing the Script : Decoding the textual experience in the Bronze Age Levant (c.2000–1150 bc) » in K. PIQUETTE et R. WHITEHOUSE, Writing as material practice. Substance, surface and medium, Londres, Ubiquity press, 2013, p. 75-104.