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Afrique subsaharienne : Constructions des savoirs et politiques du passé

Séminaire de laboratoire organisé par Catherine Atlan et Sandra Fancello

Année universitaire 2013/2014
Périodicité : Un jeudi par mois, de 14h00 à 16h30.
Localisation : MMSH d’Aix-en-Provence.
Calendrier : 10 octobre, 14 novembre, 12 décembre 2013, 16 janvier, 26 février, 20 mars, 17 avril, 15 mai 2014.

Présentation

Le séminaire a pour thème : « L’Afrique subsaharienne : construction des savoirs et politiques du passé » et son objet sera d’étudier les récits et les usages du passé des sociétés africaines, c’est-à-dire comment les références au passé de l’Afrique sont l’objet de formes d’appropriations et de constantes reconstructions socio-culturelles et politiques, et comment historiens et anthropologues étudient et racontent les sociétés africaines dans le temps.

Programme

 Jeudi 10 octobre 2013 : Introduction et présentation du séminaire
14h-16h, Salle 9

 Jeudi 14 novembre 2013 : Les récits de vie en Afrique
salle Georges Duby

  • Bernard Salvaing (Univ. Nantes)
    L’usage du récit de vie pour l’historien de l’Afrique aujourd’hui : mémoires d’une vie, mémoires d’une société, mémoires de la période coloniale (Guinée et Soudan français)
    On réfléchira au thème abordé en s’appuyant sur trois expériences d’écriture à deux voix, d’où ont été tirées trois livres : le récit d’Almamy Maliki Yattara, lettré en Islam au Mali (l’homme qui n’a pas vu de « Blancs » pendant la période coloniale) ; les Mémoires d’el-hadj Comanya, lettré et chef de village en Guinée (qui a travaillé avec les Européens tout en se retournant vers l’islam), Bocar Cissé au Mali (instituteur issu d’un milieu islamique, qui a simultanément travaillé pour les « Blancs » et contre eux en militant pour le RDA).
  • Valerio Petrarca (Univ. Naples)
    La construction des mémoires prophétiques en Afrique entre vie individuelle et attentes collectives
    Le parcours du prophète ivoirien Koudou-Gbahié (dit Koudou Jeannot) témoigne d’une « confusion » supplémentaire à propos de l’histoire en tant que fait, et en tant que récit des faits. D’une part, parce qu’il s’agit d’un homme considéré comme « habité » par un de ses frères assassiné, qui a construit son histoire prophétique, de 1950 à nos jours, à travers les récits d’un mort auquel il a prêté sa voix sous différentes formes : comme dénonciation rituelle d’un meurtre ; comme croyance correspondante aux actions cultuelles et rituelles ; et comme « récit de vie ». Ces récits ont établi une continuité de mémoire, faite d’identifications symboliques et sociales, entre la vie d’un « martyr », la vie de son prophète et la vie de ses adeptes, pendant un demi-siècle de profondes transformations. Ils interrogent en tant que document de l’histoire d’un pays et en particulier de ses figures charismatiques.

 Jeudi 12 décembre 2013 : Pouvoirs, territoires et religions dans une capitale africaine (Ouganda)
salle Georges Duby

  • Henri Médard (IMAF)
    D’une capitale africaine à une ville coloniale : Pouvoir, conversion et structuration de l’espace à Kampala au début de la colonisation
    Jusqu’en 1850, la capitale du Buganda est un espace d’où sont exclues les divinités, elle est exclusivement réservée au culte royal. Pendant le demi-siècle suivant, l’ancienne religion va céder la place à l’islam, au protestantisme et au catholicisme. Les missions chrétiennes vont occuper l’espace urbain et symbolique laissé vacant par la crise de la monarchie et de la religion ancienne. La ville voit affluer les migrants, les militaires, les commerçants, les esclaves affranchis, les étrangers, tout en se structurant autour de clivages religieux et politiques. Cette domination de l’espace par les missions et la polarisation religieuse de l’habitat décline rapidement. La mise en scène du pouvoir religieux est clairement anachronique dès la fin des années 1960, mais ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’elle est bousculée par l’essor des églises pentecôtiste.
  • Alessandro Gusman (Univ. Turin)
    La religion dans l’espace public : le cas de Kampala
    Cette intervention se focalise sur le rôle que le pentecôtisme a acquis durant les vingt années dernières dans la sphère publique en Ouganda, et qui se traduit par une présence croissante en particulier dans l’espace urbain de Kampala.
    L’espace urbain est, de fait, une arène où s’affrontent les forces économiques, sociales et culturelles. Dans ce contexte, l’espace public devient un espace politique où la religion joue un rôle important dans la signification et la connotation de cet espace. Le cas de Kampala illustre les transformations du panorama religieux : nous nous intéresserons au cas du quartier Nsambya/Katwe en montrant les parallèles entre les transformations religieuses et urbaines, avec une attention particulière sur la présence de réfugiés congolais.

 Jeudi 16 janvier 2014 : Les représentations du corps féminin
salle Paul-Albert Février

  • Delphine Peiretti (TELEMME)
    Du corps sexuel au corps maternel. La femme africaine dans l’imaginaire médical français (1800-1950)
    La femme africaine incarne une double altérité pour les médecins européens. Elle est l’Autre sexuel mais aussi racial. Malgré sa différence, ancrée dans son corps, elle est observée et étudiée par les scientifiques français, à l’instar de toutes les femmes, à travers le prisme de son sexe. A l’ère des classifications raciales, des explorations et de la colonisation l’homme indigène est perçu comme le représentant de la race tandis que la femme incarne la spécificité sexuelle au sein de chaque groupe humain. Le regard médical porté sur les femmes, du début du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, est un regard orienté vers le corps, la sexualité et la fonction maternelle. Si les médecins condamnent unanimement l’activité sexuelle, jugée immodérée, des femmes noires, ils valorisent en revanche leurs qualités maternelles. Ce jugement évolue dans les premières décennies du XXe siècle lorsque les médecins coloniaux mettent en cause le rôle des mères africaines dans la mortalité infantile.
  • Sarah Andrieu (Univ. Nice)
    Le corps comme lieu de savoirs et de distinction. Trajectoires de jeunes danseuses burkinabè
    Depuis la fin des années 1990, la place de plus en plus importante accordée par les programmateurs du Nord aux artistes africains et la structuration de réseaux internationaux de financements dédiés à la création artistique sur le continent ont favorisé l’émergence de pratiques chorégraphiques fortement individualisées et ouvert des carrières internationales à de nombreux danseurs et chorégraphes du Burkina Faso. Ces pratiques chorégraphiques regroupées sous le label « Danse contemporaine africaine » reposent sur de nouvelles manières de se mettre en scène, au sein desquelles l’intime prend le pas sur la virtuosité gestuelle. Si les danseuses burkinabè se sont, plus tardivement que les hommes, appropriées ce nouvel espace artistique, elles sont aujourd’hui nombreuses à s’investir dans cette voie professionnelle. À travers la description des trajectoires de danseuses en formation et l’analyse de pièces chorégraphiques créées par de jeunes chorégraphes originaires de Ouagadougou, nous verrons comment ces artistes promeuvent de nouvelles formes de subjectivité allant à l’encontre des techniques du corps et des techniques de soi valorisées à l’échelle locale.

 Mercredi 26 février 2014 : Politiques de santé en Afrique
salle Paul-Albert Février

  • Laurent Vidal (IRD Yaoundé) et Idrissou Alioum (IEA Nantes)
    Histoire et anthropologie : apports réciproques dans l’analyse des politiques de santé. Tuberculose, maladies vénériennes et sida au Cameroun
    Ces deux interventions, l’une d’un anthropologue (L. Vidal), l’autre d’un historien (I. Alioum) se penchent sur une question dite « de santé publique » en Afrique, et notamment à propos de la coinfection tuberculose/virus du sida (VIH). Question largement connue des praticiens comme des concepteurs de la santé, mais peu étudiée par les sciences sociales. Le croisement des regards sur cette double affection a pour objectif de montrer les apports potentiels de l’histoire à la compréhension d’une lecture anthropologique de la coinfection, et réciproquement. Par ailleurs, en elle-même, la coinfection tuberculose/VIH invite à repenser des objets classiquement développés lorsque l’on se penche soit sur l’infection à VIH, soit sur la tuberculose. L’objet étudié d’une part (une coinfection), l’approche privilégiée (un dialogue entre histoire et anthropologie) d’autre part, seront donc l’occasion de réflexions sur des questions centrales qui marquent les politiques de santé, le vécu des malades et les expériences des praticiens ou professionnels de la santé : la signification et classification nosologique des maladies étudiées, la production de chiffres et statistiques sanitaires ; la tonalité des discours des différents acteurs impliqués le processus de prise en charge des malades, les catégorisations des malades et incidemment les expressions de la stigmatisation ; les politiques de décentralisation des prises en charge des maladies, l’observance des traitements et leur gratuité. Le caractère « partiellement nouveau » des questions posées par la coinfection tuberculose/VIh au regard de celles posées à chacune des maladies prises séparément et à leurs « formes » passées (les maladies vénériennes pour le VIH, par exemple) permettent de réfléchir à la nature du changement voire de l’innovation.

 Jeudi 20 mars 2014 : Sorcellerie et guérison en Centrafrique
14h-16h30, salle Georges Duby

  • Sandra Fancello (IMAF)
    Sorcellerie et délivrance dans trois champs religieux à Bangui
    En Afrique, le champ des réponses à la maladie est encore majoritairement couvert par les ressources qu’offrent les thérapies religieuses ou magico-religieuses. Les « nouvelles » religions dites « de guérison » utilisent le terreau de la guérison traditionnelle, tout en le diabolisant, et en prenant le relais des guérisseurs traditionnels, tandis que le recours à la médecine est bien souvent invalidé. Le phénomène global de la délivrance, qui accompagne l’explosion des pentecôtismes africains depuis le début des années 1990, a contribué à placer la demande de guérison au centre des itinéraires de conversion. La nouvelle donne que représente l’offre thérapeutique émanant des Églises pentecôtistes et des groupes charismatiques, court-circuitant aussi bien les recours traditionnels que les services hospitaliers, suscite de nouvelles méthodes de diagnostic que nous analyserons à partir de trois entrées dans le champ religieux de la guérison à Bangui : les centres de délivrance, les nganga et les prêtres-exorcistes.
  • Andrea Ceriana Mayneri (LAHIC, EHESS)
    Guérisseurs et biomédecins : incertitudes épistémologiques et lutte pour la reconnaissance
    À partir d’enquêtes menées auprès d’étudiants en médecine et des guérisseurs nganga, nous tenterons d’éclairer certains parcours professionnels sur le « marché de la guérison » en Centrafrique, caractérisé par le pluralisme thérapeutique et le recours récurrent à l’étiologie sorcellaire. Le rapport entre la biomédecine et les savoirs dits « traditionnels » peut être appréhendé à partir des « provocations » qui traversent ces deux champs thérapeutiques et professionnels. Par « provocations », on se réfère ici aux négociations entre des pratiques et des présupposés épistémologiques a priori différents. L’analyse en terme de conflit (de formes de représentations ou de pratiques) n’éclaire pas suffisamment la complexité de ces provocations, qui peuvent occasionner de véritable impasses professionnelles et personnelles. Les nganga, les biomédecins et les étudiants en médecine apparaissent comme les protagonistes d’une lutte pour la reconnaissance dans un contexte où aucune étiologie ou recours thérapeutique n’est hégémonique dans l’explication de la maladie.

 Jeudi 17 avril 2014 : Présentation des travaux des étudiants
14h-17h, salle G. Duby

  • Daniel Hadwiger (Master 2 Histoire)
    L’action sociale française en Algérie au tournant de la Deuxième Guerre mondiale
    Le mémoire de Master analyse les activités de l’œuvre d’assistance français Secours national / Entraide Française en Algérie de 1940 à 1949. Cet organisme privé était chargé par l’État de secourir les victimes civiles de la guerre et de ses suites. En Algérie, il semble que l’œuvre d’assistance aida pendant la guerre surtout les Français d’Algérie pour secourir après 1945 principalement les Algériens musulmans.
  • Olivier Jouanneau (Master 2 Histoire)
    La présence africaine à l’école normale d’Aix-en-Provence 1920-1928
    Étudier à l’école normale d’Aix-en-Provence dans les années vingt fut une expérience singulière pour les élèves-maîtres boursiers de l’Afrique Occidentale Française. Peut-on dire une expérience ambiguë ? C’est ainsi, dans une démarche d’histoire sociale, que nous proposons une biographie collective d’un groupe de jeunes africains soumis à une double situation de colonisés et d’étudiants en métropole, cœur de l’Empire. Cette démarche sera plus particulièrement illustrée par la trajectoire de Mamadou Sissoko (1904-1945), élève-maître, en contact avec Lucie Cousturier, artiste peintre et femme engagée dans la critique de l’ordre colonial en Afrique Noire.
  • Dangbet Zakinet, (Doctorant en histoire)
    Des transhumants entre alliances et conflits : les Arabes du Tchad central
    Dans l’espace sahélo-saharien, la question de la transhumance constitue de nos jours un réel défi. Au delà de l’accès aux ressources, la mobilité permet également aux éleveurs de tisser des liens d’alliances et d’échanges fructueux avec les sédentaires. Cependant, ces dernières années, le dérèglement du système d’accès aux ressources génère des tensions entre éleveurs et agriculteurs. Les rapports anciennement fondés sur l’échange tendent à se détériorer. Nous présenterons ici deux expériences de terrain à partir desquelles nous avons appréhendé les défis actuels du système transhumant tchadien.
  • Pierre Prudhomme (Doctorant en anthropologie)
    Les catégories de l’islam en situation médiatique. L’assignation à l’épreuve de la réflexivité
    La problématique de la catégorisation des groupes et des mouvements religieux islamiques, telle qu’elle a été soulevée par un récent CEA (L’islam au-delà des catégories, 2012) s’actualise dans le contexte de la crise au Mali. Alors que les leaders religieux maliens se sont trouvés au centre de l’attention médiatique, les procédures d’assignation doctrinale de ces leaders (par le terme de "wahhabite" en particulier) apparaissent comme des tactiques politiques dans un champ conflictuel auquel participent à la fois religieux, médias et, volontairement ou non, chercheurs. Une telle implication de la recherche dans ce jeu d’assignation conditionne l’accès au terrain, les discours des acteurs, et nécessite par conséquent l’exercice d’une réflexivité collective.

 Jeudi 15 mai 2014 : Ethnographie et histoire du Kenya colonial
14h-16h, salle Georges Duby

  • Anne-Marie Peatrik (CNRS, UPO-Nanterre, LESC)
    Le destin singulier de Facing Mount Kenya (1938) de Jomo Kenyatta
    Cet exposé vise à contribuer à l’histoire de l’anthropologie au travers de la biographie de la première monographie d’ethnologie réalisée « at home » par un sujet colonial, Jomo Kenyatta, qui devint en 1963 le premier président du Kenya indépendant. Après avoir rappelé l’origine de ce texte - un master d’anthropologie soutenu à la London School of Economics sous la direction de Bronislaw Malinowski et publié en 1938 - on abordera la question de sa réception paradoxale. Tantôt considéré comme la vision fonctionnaliste d’une société idéalisée, tantôt décrié ou célébré comme un manifeste anti-colonial, tantôt encore brocardé comme texte de la division nationale, cet ouvrage a rarement été lu pour ce qu’il est d’abord, une source ethnographique pour la connaissance des Kikuyu et des peuples d’Afrique de l’Est.