Andrea Ceriana Mayneri, Sorcellerie et prophétisme en Centrafrique. L’imaginaire de la dépossession en pays banda, Paris, Karthala, 2014
Collection « Religions contemporaines », dirigée par Sandra Fancello et André Mary
Ouvrage publié avec le soutien de l’IMAf.
Au milieu des années 1960, en Centrafrique, le pays banda connaît une formidable effervescence anti-fétichiste. Un jeune homme appelé Ngoutidé se lance dans une entreprise de destruction ostentatoire d’objets cultuels et appelle à se convertir au christianisme. Pour les missionnaires qui en furent les témoins, l’envergure de cette œuvre iconoclaste évoque celle d’un « incendie de brousse » brûlant les « fétiches » et les symboles des anciens cultes initiatiques de la société banda.
Cinquante ans après la retombée du mouvement et la disparition de son inspirateur, Ngoutidé continue d’être loué comme prophète dans une région où la précarité et l’insécurité contribuent à réactiver l’imaginaire de la sorcellerie et la violence des accusations de l’autre mortifère. Pour les Banda, le danger sorcellaire est l’expression d’une dépossession culturelle des savoirs et des pouvoirs traditionnels qui permettaient à leurs ancêtres de composer avec les forces de l’invisible.
Ce discours de la dépossession met en lumière l’ambivalence de la glorification posthume du « plus grand des Banda », pourtant tenu pour responsable de l’éradication des coutumes anciennes. Cet ouvrage invite à comprendre le rôle capital des représentations contemporaines de la sorcellerie dans la vision que les Centrafricains se font de leur propre histoire au sein des conflits identitaires actuels.
A partir d’enquêtes ethnographiques menées en Centrafrique et de matériaux d’archives inédits, cet ouvrage revient sur l’histoire de l’entreprise missionnaire en Afrique équatoriale et illustre, à la lumière de la trajectoire de mouvements prophétiques de la région, les changements intervenus dans les représentations de la sorcellerie, des débuts de la rencontre coloniale à l’insécurité et à la violence qui règnent aujourd’hui en Centrafrique.
Andrea Ceriana Mayneri est anthropologue, membre de l’Institut des mondes africains. Spécialiste de la Centrafrique, il poursuit ses recherches sur les représentations de la sorcellerie en Afrique centrale et les violences sociales qui y sont associées.