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État, gouvernance

Séminaire de l’IMAF-Aix, « Anthropologie et histoire : dialogues et confrontations »
Jeudi 8 mars 2018, 14h à 17h, salle Georges Duby

 Marielle Debos, Université Paris Nanterre / Institut des Sciences sociales du Politique (ISP)
Impunité masculine et (dé)politisation des violences sexuelles au Tchad : l’affaire Zouhoura

En février 2016, le viol d’une lycéenne par des fils de ministres et d’officiers supérieurs déclenche une mobilisation sans précédent dans plusieurs villes du Tchad. La recherche s’attache à montrer les processus de politisation et de dépolitisation des violences sexuelles au cours de la mobilisation et lors du procès des violeurs. Quelles dimensions de la violence ont été rendues visibles ? Lesquelles ont au contraire été invisibilisées ? La recherche montre la concurrence entre plusieurs registres : la condamnation morale, la dénonciation du viol comme violence politique (Zouhoura devenant un symbole de la nation violée par le régime) et la politisation des violences sexuelles. Elle conclut que si l’affaire Zouhoura a permis une politisation de l’impunité des « intouchables », elle a largement invisibilisé la dimension genrée des violences sexuelles.

Bibliographie sélective
Cockburn Cynthia, Des femmes contre le militarisme et la guerre. Paris, La Dispute, coll. Le genre du monde, 2015.
Codaccioni Vanessa, « (Dé)politisation du genre et des questions sexuelles dans un procès politique en contexte colonial : le viol, le procès et l’affaire Djamila Boupacha (1960-1962) », dossier : Féminisme et droit, Nouvelles Questions féministes, n°1, 2010, pp. 32-45.
Debos Marielle, Living by the gun in Chad : Combatants, Impunity and State Formation, Londres, Zed Books, 2016.
Debos Marielle, « Conflits armés », in Achin Catherine, Bereni Laure (ed.) Dictionnaire genre et science politique : Concepts, objets, problèmes, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 103-114.
Lacombe Delphine, « Visibilité et occultation des violences masculines envers les femmes au Nicaragua (1979-1996) », Problèmes d’Amérique latine, 2012, Vol. 84, n°2.

 Benoît Beucher, Délégation du Patrimoine de l’État-major de l’armée de Terre (EMAT/DELPAT), IMAF-Paris
Maîtrise du temps et gouvernement des hommes dans le Moogo : une approche historique de la formation de l’État dans l’actuel Burkina Faso

La gestion politique du temps n’a pas été la seule préoccupation des acteurs européens du moment colonial dans le Moogo. Cet espace, réunissant d’anciens États royaux mossi, était dominé par une noblesse pour qui assurer l’ordre temporel a été une condition fondamentale d’exercice de son pouvoir et de son autorité. Toute brutale qu’ait été la conquête coloniale française, on peut douter qu’elle ait définitivement mis un terme aux régimes temporels qui réglaient jusque-là la vie politique et sociale. Si des disciplines temporelles aux formes inédites ont bien été mises en œuvre à partir du XIXe siècle, si l’indépendance a également porté ses propres temporalités, le tout sur fond d’apparition de nouveaux moyens de régulation du temps (presse, radio, télévision, automobile, etc.), nous montrerons que ce qu’il est advenu des anciens rapports au temps et au pouvoir sur la longue durée a été l’une des grandes intrigues de l’histoire de l’émergence de l’État contemporain dans l’actuel Burkina Faso.

Références bibliographiques
Anderson Benedict, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte Poche, 2002 (4è éd.).
Balandier Georges (dir.), Le Temps et la montre en Afrique noire. Enquête socio-économique, Bienne, Fédération horlogère suisse, 1963.
Beucher Benoît, « La naissance de la communauté nationale burkinabè, ou comment le Voltaïque devint un “Homme intègre” », Sociétés politiques comparées. Revue européenne d’Analyse des Sociétés politiques, Fasopo/Reasopo, n° 13, mars 2009
Bourdieu Pierre, Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1992, Paris, Seuil, 2012, voir en particulier dans le cours du 18 janv. 1990 « Calendrier et structure de la temporalité », pp. 19-23.
Edensor Tim, « Reconsidering National Temporalities. Institutional Times, Everyday Routines, Serial Spaces and Synchronicities », in European Journal of Social Theory, vol. 9, n° 4, 2006, pp. 525-545.
Elias Norbert, Du Temps, Paris, Pluriel, 2014.
Gell Alfred, The Anthropology of Time : Culural Constructions of Temporal Maps and Images, Bloomsbury Academic, 2001.
Pomian Krzysztof, L’Ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984.
Rosa Hartmut, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2013.
Thompson Edward P., Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, Paris, La Fabrique éditions, 2004.

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