17 mai 2018, Oral, écrit
Séminaire de laboratoire du site d’Aix, « Anthropologie et histoire : dialogues et confrontations », coordonné par Violaine Tisseau (CNRS) et Fabio Viti (Université d’Aix-Marseille).
MMSH, Jas de Bouffan, Aix-en-Provence
14h-17h, salle 1
Anaïs Wion (CNRS, IMAF-Ivry), « La tradition orale des patriciens d’Aksum (Ethiopie) : mémoire d’un groupe, rituels d’une cité, histoire nationale »
La ville sainte d’Aksum, située aux marges septentrionales du royaume chrétien d’Ethiopie, s’est construit une identité et une histoire très spécifiques de part son double statut paradoxal de coeur politico-religieux de la mythologie chrétienne et d’espace géographiquement très excentré du domaine royal (XVe-XVIIIe s.). À un travail d’analyse des textes produits par et pour le clergé d’Aksum, il s’est avéré nécessaire d’adjoindre une collecte de traditions orales auprès de différents représentants des communautés citadines et agricoles (menée en 2009, 2013 et 2014). Celle-ci a révélé une administration laïque de la ville, confiée aux balabat (litt ; "ceux qui ont un père"), aristocrates patriciens détenteurs de privilèges fonciers et de responsabilités collectives. Leur mémoire sociale, transmise uniquement par oral, semble au premier abord dissociée de la tradition écrite servant l’administration religieuse de ce territoire. Pourtant, on verra que les effets de feed back entre ces deux vecteurs mémoriels sont nombreux. De plus, la spatialisation très forte de cette mémoire, en raison notamment de la présence de ruines et des nombreux rituels menés dans la ville, participe, si ce n’est à l’homogénéisation, à tout le moins au partage de ces traditions mémorielles.
Bibliographie indicative
– J. Bazin, « La production d’un récit historique », in Des clous dans la Joconde. L’anthropologie autrement, Anarchasis, 2008, pp. 271-343
– M. de Certeau, L’écriture de l’histoire, Gallimard, 1975
– F.-X. Fauvelle et B. Hirsch, « Aksum après Aksum. Royauté, archéologie et herméneutique chrétienne de Ménélik II (r. 1865-1913) à Zärʼa Yaʽqob (r. 1434-1468) », Annales d’Ethiopie 17, 2001.
– M. Halbwachs, La Topographie légendaire des Évangiles en Terre sainte. Étude de mémoire collective, Paris, PUF, 2008
– Ph. Joutard, La légende des camisards. Une sensibilité au passé, Gallimard, 1997
Dominique Casajus (CNRS, IMAF-Ivry), « Transmission orale, transmission écrite : une fausse opposition ? »
Les travaux de Milman Parry et Albert Lord sur Homère puis sur les bardes serbo-croates ont initié un mouvement d’idées et de recherches connu dans le monde anglo-saxon sous l’appellation de Oral-Formulaic Theory. Peut-être à cause de son dogmatisme excessif, cette théorie avait à peu près disparu du paysage universitaire depuis une vingtaine d’années. Or des travaux récents montrent que les hellénistes sont en train de reprendre sur nouveaux frais l’examen des propositions de Parry et Lord. Et, de toute façon, tout ethnologue intéressé par les faits d’oralité doit connaître les débats auxquels cette théorie a donné lieu et les questions qu’elle a soulevées.
Bibliographie
– Dupont, Florence, 1998. L’invention de la littérature. De l’ivresse grecque au texte latin, Paris, La Découverte.
– Laborde, Denis, 1990, « Tout raccorder et tomber juste. L’art du bertsulari basque », Ethnologie française 3 : 308-318.
– Lord, Albert Bates, The Singer of Tales, Cambridge, Harvard University Press, 1960
– Epic Singers and Oral Tradition, Ithaca & Londres, Cornell University Press, 1991
– Yates, Frances. 1975. L’art de la mémoire, Paris, Gallimard, Paris, 1966
– Parry, Milma, L’épithète traditionnelle dans Homère, Paris, Les Belles Lettres, 1928
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