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Anthropologie comparative du Sahel occidental musulman

Séance du 19 juin 2019, 15h à 17h
IMAF / Site Raspail, salle de réunion, 2e étage, 96 bd Raspail 75006 Paris

 Delphine Manetta, IMAF-postdoctorante EHESS :
Don, monnaie et élection. Une ethnographie de meetings politiques pendant la campagne électorale de novembre 2012 dans des villages jàa (Burkina Faso)

Résumé :
Rétrospectivement, les élections municipales et législatives de novembre 2012 ont constitué une période charnière dans la trajectoire politique du Burkina Faso. Elles ont annoncé la chute de Blaise Compaoré et la fin de l’hégémonie de son parti, le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), en octobre 2014. Ma présentation se propose d’étudier, depuis des villages jàa du Sud Ouest du pays, ce tournant dans l’histoire du Burkina Faso en repensant le rapport entre don et pouvoir.

L’ethnographie de scènes de don d’argent pendant les meetings politiques du CDP montre que le don pose plusieurs questions : à qui, comment et pourquoi les candidats aux élections donnent-ils ? En quoi le don permet-il à certains de se hisser au sommet des hiérarchies politiques alors que d’autres échouent aux élections ? Dans quelle mesure le don instaure une compétition dans la dépense et l’ostentation ? Ces scènes révèlent en effet que le don permet aux candidats d’actualiser et d’étendre leur réseau de donataires en se superposant à des liens de parenté et de clientèle. La ritualisation des dons d’argent découvre toutefois que le don, qu’il soit à l’initiative des candidats ou qu’il résulte d’une demande, est d’abord une pratique contingente dont la performativité est toujours incertaine. Dans le contexte des élections de 2012, l’incertitude inhérente au don explique la mise en ballotage des candidats du CDP dans les villages jàa et la contestation du pouvoir présidentiel.

Aux questions initiales, s’interrogeant sur la capacité du don à produire un pouvoir réticulaire par l’établissement de liens pluriels de dette et de dépendance, se substitue alors une autre question : dans quelle mesure le don, en tant que pratique incertaine, explique la transformation du pouvoir ? Ma présentation montrera que l’analyse du rapport entre don et éligibilité nécessite d’étudier ce moment particulier du don qu’est sa réception. En effet, la remise d’un don éveille toujours, dans l’esprit de celui qui reçoit, plusieurs interrogations qui vont conditionner la propension du don soit à produire des liens positifs de dette et de dépendance, soit à se méfier voire à révoquer le pouvoir du donateur quand bien même le don est provoqué et accepté par le récipiendaire : « d’où provient la monnaie qui m’est transmise par le don ? Par quels canaux a-t-elle circulé avant de parvenir entre mes mains ? D’où vient celui qui donne ? Comment a-t-il acquis la monnaie qu’il m’a remise ? » Ma présentation proposera finalement de concevoir l’incertitude consubstantielle du don en termes spatiaux, au travers de l’histoire géographique de la monnaie et des donateurs.

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