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Pour une nouvelle histoire sociale du Soudan

Appel à communications

Argumentaire

L’historiographie du Soudan moderne et contemporain est fortement marquée par l’histoire politique de ce pays. En effet, les historien.e.s ont souvent été appelé.e.s à répondre aux crises contemporaines – guerres civiles, changements de régime, conflits internationaux – souvent selon des critères d’urgence, au risque de verser dans un certain présentisme. Dans ce contexte, l’histoire sociale, qui demande souvent une forme de recherche plus lente et pointilleuse, qui ne dégage pas de solutions toutes faites aux crises multiples du pays, et qui s’intéresse aux vies des « gens ordinaires » (Bayat 2013), a eu du mal à s’imposer dans la recherche universitaire sur le Soudan. Un exemple évident est la pauvreté de travaux sur l’histoire des femmes, à l’exception du thème très controversé de l’excision. Malgré quelques études récentes (Brown 2017), des recherches pointues sur des thèmes comme les femmes dans les arts, l’histoire des femmes dans le monde du travail, l’histoire de la famille et de ses marges, doivent encore être écrites.
Cette conférence, qui est également un programme de recherche, souhaite remettre au centre de l’histoire moderne et contemporaine du Soudan les « gens ordinaires ». D’emblée, nous soulignons que le terme ne veut ni masquer ni aplatir la foisonnante complexité de la société soudanaise ; utilisé de manière heuristique dans le contexte de l’histoire sociale, il désigne les individus, groupes, et classes sociales qui se situent en dehors des élites politiques ou économiques au centre de la vie politique du pays, et dont l’histoire est peu visible et peu ‘vue’. Nous souhaitons également nous intéresser à tous les thèmes liés à l’histoire des gens « exceptionnellement normaux » (Grendi 1977) : le quotidien, les croyances, les horizons et désirs, dans toute leur diversité selon classe sociale et origine, mais aussi dans tous leurs liens et circulations. Même si la microhistoire a surtout marqué l’historiographie européenne, elle a inspiré aussi des nombreuses études en histoire du Moyen Orient et de l’Afrique (voir l’historiographie de l’Afrique du Sud). Elle a aussi des affinités avec des historiographies non-européennes comme les Études subalternes (malgré leurs différences reconnues). Nous croyons que le croisement de ces approches ne peut que mener à une meilleure connaissance des acteurs et actrices « ordinaires ». Enfin, l’histoire sociale s’est traditionnellement servie d’une hétérogénéité de champs de savoir. Ainsi nous souhaiterions que cette conférence soit irriguée par une famille de disciplines sœurs : la sociologie historique, l’anthropologie, les études de genre, la micro-histoire de l’économie, la démographie, etc.

Partir de l’histoire sociale des « gens ordinaires » ouvre de nouvelles perspectives non seulement sur l’histoire politique du pays, mais aussi sur les changements, ruptures et crises que le pays a traversées. Cela inclut les grands épisodes révolutionnaires qui ont marqué son histoire, comme celui qui est en train d’avoir lieu depuis décembre 2018 et qui a amené la fin du régime d’Omar al-Bashir (1989-2019).

La pénurie historiographique que nous avons décrit, cependant, ne signifie pas l’absence d’historien.ne.s interessée.e.s à ces questions. Le problème est plutôt un manque de visibilité et d’opportunités pour créer des synergies entre nous, de se rencontrer et débattre des différentes approches, méthodologies, et développements possibles. L’un des objectifs principaux de cette conférence, donc, est de créer cet espace d’échange entre les historien.ne.s du Soudan, mais aussi entre chercheurs d’autres disciplines qui adoptent une approche d’histoire sociale. Nous espérons que cela donnera plus de visibilité et d’impact à l’histoire sociale dans toutes ses variations.

Le résumé (env. 500 mots) devra être envoyé avant le 15 octobre 2019 et inclure : Nom et prénom, numéro de téléphone, email, affiliation.


CONTACTS :

Elena Vezzadini, elena.vezzadini@univ-paris1.fr
Anael Poussier, poussier.anael@gmail.com
Jean-Nicolas Bach : jeannicolas.bach@cedejkhartoum.com

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