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Les sciences sociales dans la crise. Pratiques de recherche et production de savoirs en situation de conflit

École d’automne de Bamako 2019

La manifestation se déroulera à Kabala
• 28 octobre 2019 : Workshop international, salle de Conférences du Rectorat
• 29 - 31 octobre 2019 : Ateliers pédagogiques
• 1er novembre 2019 : Restitution des ateliers

Argumentaire

Depuis 2012, le Mali connait ce que les experts, les politiques et les médias appellent une « crise multidimensionnelle », expression censée rendre compte d’une situation complexe marquée par des conflits armés de nature multiple : guerre asymétrique pour les militaires, conflit ethnique ou guerre civile pour certains, guerre de libération, d’indépendance voire guerre sainte pour d’autres. Pour faire face à une situation à la fois dynamique et endémique, l’État malien, militairement, financièrement et techniquement appuyé par la communauté internationale, anime une politique à pas de caméléon qui articule réponse sécuritaire et développement, substantialisée par la doctrine française des « 3D » : diplomatie, défense et développement. Sept ans plus tard, la crise est non seulement toujours là, mais elle est plus que jamais « multidimensionnelle » et régionale.

Faute d’apercevoir l’issue de cette crise, on peut se demander finalement de quoi celle-ci est-elle le nom ? Le mot « crise » relève à l’origine du vocabulaire médical et rend compte d’une situation transitoire à la fois brusque, intense et marquant une rupture. La situation malienne, et plus largement celle du Sahel, est-elle conforme à une telle définition ? Dit autrement, peut-on encore parler de crise lorsque, au Mali, on fait remonter celle-ci au conflit de 2012, voire à l’instauration de la démocratie électorale en 1991 ? Qu’est-ce donc qu’une crise qui durerait ainsi des années, voire des décennies, à moins de poser l’hypothèse émise par certains d’une « crise permanente » ? Si l’on était cynique, on serait tenté de répondre qu’il s’agit finalement d’une crise… stable.

Mais est-ce réellement du cynisme ? En tout état de cause, la permanence de la crise malienne est suffisamment avérée pour que les chercheurs qui y sont confrontées, éprouvent la nécessité de réévaluer leurs pratiques et de se demander si cela ne génère pas une crise des sciences sociales ? A moins qu’il ne s’agisse tout simplement que d’un mot mis en résonnance avec la rhétorique du moment. Depuis la « situation coloniale » proposée par Georges Balandier en 1951 pour rendre compte du monde marqué par les aventures coloniales et impérialistes, les sciences sociales qui exercent dans les pays dits « fragiles » ne sont-elles pas presque continument plongées dans la crise ? Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux envisager la mutation plutôt que la crise, voire un régime de mutations propre à des sciences sociales, qui ne cessent de questionner leur épistémologie, leurs objets, leur méthodologie, leurs frontières disciplinaires ?

C’est ce questionnement que l’édition 2019 de l’École d’Automne de Bamako entend proposer, pour tenter non seulement de réfléchir aux conditions d’exercice du métier de chercheur au Mali, mais aussi à la transmission de celui-ci dans la formation universitaire malienne.

PANEL I – SITUATION DE CONFLITS ET TERRAINS EN MUTATION : CAMPS DE DEPLACES, DE REFUGIES, DE REPLIES
Il s’agit ici de voir comment les sciences sociales se positionnent professionnellement vis-à-vis des déplacements forcés en situation de crises, de violences ou de guerres civiles et comment elle appréhendent les logiques d’enfermement dans des espaces dits « protégés » que représentent les « camps » : camps de réfugiés (extérieurs) et de déplacés (intérieurs), mais aussi camps de repliés. A partir de l’exemple malien, on appréhendera cette notion au regard de la situation des capitales régionales et nationale où se sont littéralement repliés les administrations et les forces de sécurité. La portée heuristique réside d’abord dans l’appréhension des logiques d’enfermement (administré ou non) qui, dans ces villes et capitale, se caractérise par l’absence de clôtures matérialisées. Elle réside également dans le fait que ce sont désormais dans ces villes-camps qu’opèrent de plus en plus les sciences sociales : parce que les habitants, le dispositif militaire et administratif étatique et les réfugiés-déplacés y cohabitent en produisant un microcosme ; parce que le caractère « refuge » de ces localités justifie la mise en place de projets de recherche ; parce qu’enfin, les chercheurs sont eux-mêmes soumis à des règles de sécurité et d’autorisation qui les conduisent à travailler de plus en plus dans des camps de repliés, et d’abord dans la capitale.

PANEL II – LES TERRAINS PERDUS DE LA RECHERCHE : QUE SONT-ILS DEVENUS, QUI Y ACCEDE ENCORE ET COMMENT ?
Si les situations de crise induisent l’émergence de nouveaux terrains, on ne peut que s’interroger sur ce que deviennent les terrains rendus inaccessibles pour raisons de restriction (zone militaire, mine d’or), d’abandon (territoire non administré) ou d’exclusion (zone de combat). Le zonage réalisé par les pays occidentaux, qui ont adopté un système de couleurs allant du rouge critique au blanc pacifique en passant par l’orange puis le jaune, est censé rendre compte d’une spatialisation de l’état de sécurité du territoire national.
Les espaces en rouge apparaissent a priori comme autant de terrains perdus pour des recherches en sciences sociales, en archéologie, en épidémiologie, en hydrologie, etc., nécessitant des séjours plus ou moins longs sur place. Pourtant, un certain type de recherche se pratique toujours dans ces espaces, sous l’égide des forces sécuritaires et des organisations humanitaires, d’une part, des ONG d’autre part qui, particularité africaine, définissent leur activité en termes de recherche-action, d’expertise ou encore de consultance.
On questionnera ici les conditions d’accès au terrain que suscite ce type de recherche, son statut, ses contraintes, ses objectifs. Mais on s’interrogera aussi sur les « parades » techniques, les outils, les méthodes, les épistémologies qu’utilise la recherche académique pour plier l’inaccessibilité du terrain : réseaux sociaux, camps de réfugiés, enquête par témoignages, etc.

PANEL III – SITUATIONS DE CONFLIT ET PRODUCTION DES SAVOIRS : CONTENUS, FORMATS, DIFFUSION
Si les terrains en mutation résultent en partie de la question de l’accessibilité et du développement d’une nouvelle ingénierie de la recherche, il reste toutefois à se demander quels savoirs produit-on dans un contexte de crise, voire de violence, et dans des conditions techniques ainsi modifiées.
Plusieurs problèmes se posent ici. Tout d’abord, celui de la production d’un savoir qui satisfait aux normes éthiques et scientifiques, notamment l’indépendance axiomatique de la recherche vis-à-vis des commanditaires (armée, gouvernement, ONG) qui entendent quant à eux disposer de savoirs pour agir. En outre, les sciences sociales s’attachent à objectiver les phénomènes qu’elles décrivent et, ce faisant, évacuent en partie les valeurs morales que la société donne généralement à ceux-ci. Dès lors, comment produit-on et diffuse-t-on des savoirs en situation de crise, où un flux d’informations – officielles ou confidentielles, renchéries ou démenties, débattues ou trompeuses – alimentent l’opinion et la décision.
On se demandera quelle est la valeur du savoir scientifique et s’il a encore une place dans ce contexte ? Peut-on aller à l’encontre des discours officiel lorsque la crise est qualifiée de « rébellion » ou de « terrorisme » ?
Autre question soulevée par ce panel, celle du format que l’on donne à la connaissance : la note, le support audiovisuel, etc. Il s’agit également de réfléchir à la question des supports habituels de la publication et la diffusion scientifiques, articles et numéros de revue en particulier, confrontés à la sélection de certains savoirs, voire à la censure sécuritaire. On tentera alors de s’interroger sur de nouveaux formats possibles permettant de transmettre des savoirs, en préservant l’éthique scientifique et la complexité des phénomènes sociaux rapportés. Comment les sciences sociales informent les décideurs et l’opinion publique et comment elles forment les étudiants à l’analyse critique des situations, en particulier lorsqu’elles relèvent de la crise et du conflit ?

LUNDI 28 OCTOBRE 2019
08H30-09H30 : OUVERTURE OFFICIELLE
Maître de cérémonie : Dr. SAMASSEKOU
Dr. Fatoumata COULIBALY, Directrice adjointe du LMI MACOTER, Coordinatrice du Master SOCDEV
Dr. Idrissa Soïba TRAORE, Recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako
Dr. Moussa DJIRE, Recteur de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako
Laurent VIDAL, Représentant de l’Institut de Recherche pour le Développement
Joël MEYER, Ambassadeur de France au Mali
Mahamadou FAMANTA, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique

09H30-10H00 : INTRODUCTION GENERALE
Dr. Gilles HOLDER, CNRS-IRD, Codirecteur du Laboratoire Mixte International MaCoTer

10H20-12H30 : PANEL I - SITUATION DE CONFLITS ET TERRAINS EN MUTATION : CAMPS DE DEPLACES, DE REFUGIES, DE REPLIES
Modératrice : Dr. Fatoumata COULIBALY, USSGB, FHG
Prof. Michel AGIER, IRD, EHESS : « Le camp de l’ethnologue. Faire de l’anthropologie sur les terrains de crise »
Dr. Baba COULIBALY, ISH/MACOTER : « Crise sécuritaire et recherches sociales en zone Office du Niger : quelles
stratégies d’intervention et de résistance ? »
Dr. Charles GREMONT, IRD, LPED/MACOTER : « Lorsque le terrain de recherche s’embrase. Retour sur une
expérience de médiation menée en 2012-13 au Burkina Faso et au Niger dans le cadre des conflits armés au Nord du Mali »
Dr. Mariame SIDIBE, USJPB, FSAP/MACOTER : « Les camps de réfugiés : conditions d’ouverture et risques de
fermeture à la recherche. Cas des camps de réfugiés maliens dans la région de Tillabéri au Niger. »
Dr. Sadio SOUKOUNA, USJPB, FSAP/MACOTER : « Du camp à la ville : trajectoires de sur-(vie) des réfugiés
maliens au Burkina Faso »

13H30-15H40 : PANEL II - LES TERRAINS PERDUS DE LA RECHERCHE : QUE SONT-ILS DEVENUS, QUI Y ACCEDE ENCORE ET COMMENT ?
Modérateur : Dr. Abdoul SOGODOGO, USJPB, FSAP/MACOTER
Dr. Verena RICHARDIER, SIF: « Les formes de la recherche en ONG : l’expérience du SIF Mali »
Dr. Jacky BOUJU, AMU, IMAF : « Produire un savoir scientifique malgré l’inaccessibilité du terrain ? Un essai de réponse favorable »
Dr. Kawélé TOGOLA, ULSHB, FSHSE : « Les sciences sociales dans la crise : accès au terrain et collecte des données par temps de crise »
Dr. Youssouf KARAMBE, INJS/MACOTER : « Faire de la recherche chez soi en situation de conflit : crise de
confiance et mise à distance »
Dr. Emmanuelle OLIVIER, CNRS, Centre Georg Simmel/MACOTER : « Réalités du terrain virtuel. Une
Netnographie des situations de crise est-elle possible ? »

16H00-18H10 : PANEL III - SITUATIONS DE CONFLIT ET PRODUCTION DES SAVOIRS : CONTENUS, FORMATS, DIFFUSION
Modérateur : Prof. Laurent VIDAL, IRD
AFD : « Entre sécurité, diplomatie et développement, quel type de savoirs les acteurs en charge de la post-crise ont-ils besoin et quels moyens se donnent-ils pour y accéder ? »
Pr. Balla DIARRA, USSGB, FHG/MACOTER : « Le pédagogue en temps de crise : entre patriotisme, utilité
sociale, autocensure et transmission des savoirs à l’université »
Dr. Yvan GUICHAOUA, University of Kent : « Comprendre la diffusion de la violence armée à l’aide de méthodes mixtes »
Prof. Marc-Antoine PÉROUSE DE MONTCLOS, IRD, CEPED : « Des péripéties de la recherche sur les conflits
armés : des pratiques de terrain à la production de savoirs »
M. Adam THIAM, Journaliste, éditorialiste : « Savoir distinguer le vrai du faux en temps de crise : communication, information, rumeur »

MARDI 29 OCTOBRE 2019
8H30-9H00 PRESENTATION DES ATELIERS PEDAGOGIQUES
Répartition en 2 groupes de travail, présentation de l’organisation des travaux et des attendus

9H00-11H00 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL I – SITUATION DE CONFLITS ET TERRAINS EN
MUTATION : CAMPS DE DEPLACES, DE REFUGIES, DE REPLIES
Formateurs groupe A : Dr. Sadio SOUKOUNA (USJPB, FSAP) Dr. Alexis ROY (CNRS, IMAF)
Formateurs groupe B : Dr. Ophélie RILLON (CNRS, IMAF) Dr. Hamadoun TRAORE (USSGB, FHG)
11H20-13H20 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL I – SITUATION DE CONFLITS ET TERRAINS EN
MUTATION : CAMPS DE DEPLACES, DE REFUGIES, DE REPLIES (SUITE)
Travaux personnels encadrés (TPE) : réalisation d’une fiche de synthèse par groupe d’étudiants, soit cinq groupes élaborant cinq fiches correspondant aux cinq communications du panel

MERCREDI 30 OCTOBRE 2019
9H00-11H00
ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL II – LES TERRAINS PERDUS DE LA RECHERCHE : QUE SONT-ILS DEVENUS, QUI Y ACCEDE ENCORE ET COMMENT ?
Formateurs groupe A : Dr. Ophélie RILLON (CNRS, IMAF), Dr. Hamadoun TRAORE (USSGB, FHG)
Formateurs groupe B : Dr. Stéphanie LIMA (INU Albi, Université Toulouse, LISST), Dr. Morikè DEMBELE (ULSHB, FSHSE)
11H20-13H20 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL II (SUITE)
14H20-16H00 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL II (SUITE)
Travaux personnels encadrés (TPE) : réalisation d’une fiche de synthèse par groupe d’étudiants, soit cinq groupes élaborant cinq fiches correspondant aux communications du panel

JEUDI 31 OCTOBRE 2019
9H00-11H00 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL III – SITUATIONS DE CONFLIT ET PRODUCTION DES SAVOIRS : CONTENUS, FORMATS, DIFFUSION
Formateurs groupe A : Dr. Stéphanie LIMA (INU Albi, Université Toulouse, LISST), Dr. Morikè DEMBELE (ULSHB, FSHSE)
Formateurs groupe B : Dr. Sadio SOUKOUNA (USJPB, FSAP), Dr. Alexis ROY (CNRS, IMAF)
11H20-13H20 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL III (SUITE)
14H20-16H00 - ATELIER PEDAGOGIQUE AUTOUR DU PANEL III (SUITE)
Travaux personnels encadrés (TPE) : réalisation d’une fiche de synthèse par groupe d’étudiants, soit cinq
groupes élaborant cinq fiches correspondant aux communications du panel

VENDREDI 1ER NOVEMBRE 2019
9H00-11H00 - ATELIER DE SYNTHESE
Réalisation d’une note de synthèse par panel, à partir des travaux en atelier
Formateurs groupe A : Dr. Stéphanie LIMA (INU Albi, Université Toulouse, LISST), Dr. Morikè DEMBELE (ULSHB, FSHSE), Dr. Ophélie RILLON (CNRS, IMAF)
Formateurs groupe B : Dr. Sadio SOUKOUNA (USJPB, FSAP), Dr. Alexis ROY (CNRS, IMAF), Dr. Hamadoun TRAORE (USSGB, FHG)

11H20-13H00 - RESTITUTION DES TRAVAUX
Restitution des travaux de l’atelier de synthèse et débat avec l’équipe du LMI MACOTER et les auteurs des communications

13H00-13H20 - Clôture de l’EAB par la direction du LMI MACOTER