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Islam, pratiques et mobilisations

Séminaire de l’IMAF-Aix, « Anthropologie et histoire : dialogues et confrontations ».

Jeudi 13 février 2020, de 14h à 17h
salle Paul-Albert Février
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH)
Jas-de-Bouffan à Aix-en-Provence

Maud Saint-Lary (IRD, IMAF)
La Charité islamique, un outil d’implantation des Turcs au Burkina Faso
La Turquie est un pays émergent en Afrique de l’Ouest. Elle est devenue en quinze ans un partenaire commercial incontournable à côté du Brésil et de la Corée. Des études récentes ont montré que depuis 2003, la Turquie a « redirigé sa politique extérieure » vers les pays d’Afrique subsaharienne, utilisant son identité musulmane comme un instrument de « soft power dans les pays musulmans ». L’islam et l’approche culturelle semblent être les outils d’une stratégie turque qui se conjugue avec des intérêts économique et diplomatique. Dans ce contexte, les fondations (en langue turque, « vakif », en arabe, « waqf »), anciennement ancrées dans l’histoire de l’empire ottoman, semblent être une clé de voûte de ce modèle turc de « soft power ».
L’ONG Fosapa, fondation de solidarité et d’aide au peuple africain, financée par une puissante fondation turque (Aziz Mahmûd Hüdâyi) sera présentée comme cas d’étude permettant de saisir au plus près des logiques locales, les enjeux à la fois économiques, diplomatiques, culturels et religieux de l’implantation des Turcs au Burkina Faso. Cela permettra d’éclairer le rôle de ces fondations étrangères dans la conquête du marché hautement concurrentiel de la charité islamique, tout autant que dans la construction de l’imaginaire d’un nouvel horizon turc pour les Burkinabè.

Thomas Osmond (CFEE, IMAF )
Religion traditionnelle africaine et puritanisme sunnite : trajectoires contemporaines de l’islam hétérodoxe oromo en Afrique de l’Est
Cette intervention propose d’examiner les relations controversées entre l’Islam et la religion dite «traditionnelle» ou «indigène» des populations oromo présentes en Éthiopie et au Kenya.
Loin d’être étrangère à l’islam – dont la Corne de l’Afrique constitue l’un des berceaux historiques –, la religion traditionnelle oromo est intimement ancrée dans les traditions érudites soufies husayni et qadiri. Sa séparation ou son émancipation de l’Islam s’inscrit dans les dynamiques réformistes du XVIe siècle, où culminèrent les tensions régionales entre élites citadines puritaines sunnites et coalitions agro-pastorales traditionalistes.
Depuis la fin du XIXe siècle et l’incorporation des territoires oromo dans l’État éthiopien moderne, les trajectoires de la religion «indigène» oromo ont été réarticulées et largement politisées par les missionnaires chrétiens européens. Ils ont vu dans le «peuple» oromo les représentants africains des sociétés monothéistes archaïques, les fameux Gentils de l’Ancien Testament, prêts à être évangélisés pour contrer la domination historique régionale du christianisme orthodoxe et de ​l’islam.
Depuis quelques décennies, de nouvelles élites musulmanes oromo prônent une version sunnite puritaine de l’islam, opérant une véritable rupture avec l’héritage soufie hétérodoxe des traditions religieuses oromo. Portés souvent par de jeunes militants oromo en Éthiopie, au Kenya, au Soudan ou aux États-Unis, ces réseaux réformistes transnationaux du da’wa sont très actifs sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision en ligne. Ils privilégient l’usage de la langue oromo et associent la renaissance d’un islam sunnite régional à la défense des intérêts nationaux oromo dans la République fédérale d’Éthiopie.

Voir le programme général du séminaire.