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Anthropologie et historicité : le Sahel à l’envers

Séminaire organisé par Anne Doquet (référente), chargée de recherche, IRD (IMAF), Jean-Loup Amselle, directeur d’études, EHESS (IMAF), Alexis Roy, chargé de recherche, CNRS (IMAF).


Année universitaire :
2020 / 2021
Périodicité : 2e jeudi du mois, de 16h à 19h
Localisation : Campus Condorcet, salle 3.06, Centre de colloques, place du Front Populaire 93300 Aubervilliers
Calendrier : Du 12 novembre 2020 au 10 juin 2021

Séance supplémentaire : 20 mai 2021 (salle 3.06).


Attention !
En raison de la situation sanitaire, vous ne pourrez pas accéder à ce séminaire sans avoir préalablement déposé une demande via le lien suivant (une demande est nécessaire pour chaque séminaire auquel vous souhaitez participer, merci de déposer la demande au plus tard 72 heures avant le début de la première séance) : http://listsem.ehess.fr/courses/618/requests/new.


Présentation :

Dans ce séminaire, on s’efforcera de proposer des pays du Sahel contemporain (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) une image différente de la doxa prévalente. Actuellement l’attention des médias est focalisée principalement sur le terrorisme et le djihadisme qui affectent toute cette zone. La réalité de ces pays est toutefois largement différente : il ne s’agit pas en effet d’opposer les méchants djihadistes « blancs » du Nord aux populations pacifiques « noires » du sud de ces pays mais de mettre au jour les relations entre les différentes régions de ces différents pays, ainsi que les causes politiques et économiques sous-jacentes à ces affrontements et que l’on ne saurait réduire à des conflits religieux entre un islam radical, salafiste ou wahhabite et un islam soufi et tolérant ou à de simples luttes ethniques. L’ensemble de ces pays est le théâtre de recompositions politiques qui, loin de refléter une résurgence de la « tradition » face à la globalisation, manifeste au contraire des contradictions entre différentes formes de contemporanéité : les sociétés sahéliennes constituent ainsi un sujet privilégié pour étudier les relations entre anthropologie et historicité.


CONTACT :
annedoquet@yahoo.fr, jean-loup.amselle@ehess.fr, alexis.roy@ehess.fr


PROGRAMME :
À venir

 12 novembre 2020 (visioconférence)
Discussion libre sur la situation au Mali.

 10 décembre :
Dynamiques politiques en temps de crise à Bamako
Laure Traoré (CESSP/Paris 1) : "Partisans et électeurs face-à-face dans les campagnes électorales post-coup d’État à Bamako (2013-2016)"
Marianne Saddier (CESSP/Paris 1), "Nationalisme, politisation et ascension sociale dans les associations de jeunes ressortissants du Nord du Mali à Bamako (2016-2019)"

 14 janvier 2021 :
Barbara Casciarri (Univ. Paris VIII) : « Reconfigurations territoriales et politiques dans le Sahel oriental : le cas des populations nomades du Soudan contemporain »
résumé :
L’ambiguïté du classement du Soudan au sein du Sahel est à lire en parallèle avec la fluidité des catégorisations ayant désigné historiquement cet espace. Sa conception, à l’origine géographique et environnementale, s’est chargée au fur et à mesure des connotations dictées par les agencements politiques mouvants des populations locales, dans leur rapport avec les Etats africains concernés ainsi qu’avec un contexte international de plus en plus focalisé sur les questions du « terrorisme islamique ». Au Soudan, pays emblématique de l’inadéquation des catégorisations binaires dominantes (Arabes vs Africains, Musulmans vs Chrétiens), les populations nomades continuent d’être une composante significative faisant l’objet de marginalisations multiples et de manipulations constantes de la part des pouvoirs locaux et des acteurs internationaux. En m’appuyant sur une longue expérience de recherche anthropologique sur les groupes pastoraux de diverses régions soudanaises (Centre, Est, Sud Kordofan, Nil Blanc), dans cet exposé j’essaie de : 1/ présenter un cadre général des dynamiques (économiques, politiques, socio-culturelles) qui ont affecté ces populations dans les dernières décennies de vie du pays ; 2/ de décrypter quelques enjeux sous-jacents aux tentatives de cooptation politique des nomades par l’Etat soudanais en contexte de guerre civile en lien avec un imaginaire véhiculé par la « communauté internationale » et par les médias autour de ces groupes.

 11 février :
Benjamin Soares (University of Florida) : "Un aperçu de l’islam et des sociétés musulmanes au Sahel: réflexions sur le passé et la période contemporaine"
résumé :
Dans cette communication je présente une vue d’ensemble du paysage islamique dans le Sahel contemporain où je mets en évidence des tendances majeures en lien à la pratique de l’islam dans la région. J’y aborde quelques thèmes interdépendants tels que l’islam et son large attrait pour les musulmans de la région; le débat intra-musulman; les interconnexions mondiales et la révolution des médias; les tendances salafistes et islamistes, ainsi que le djihadisme. Je démontre que le paysage islamique au Sahel est beaucoup plus diversifié et complexe que beaucoup de commentaires ne le suggèrent habituellement. Je souligne également l’importance de comprendre comment la pratique de l’islam dans la région a évolué ces dernières années dans un monde de plus en plus globalisé.

 11 mars :
Judith Scheele (EHESS) : "Le Sahel militarisé : une figure originale d’insertion dans le monde"
résumé :
Au regard du poids accru du paradigme sécuritaire dans l’engagement international avec le Sahel, il semble possible de parler d’une « militarisation » de la région. Or, cette militarisation n’est pas nouvelle, ni irréversible ou unidirectionnelle, ni le seul fait d’interventions externes. Cet article vise à passer en revue quelques moments et lieux forts de la militarisation du Sahel, afin d’en cerner des effets structurels et structurants, et de mieux saisir les dynamiques actuels.

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Camille Evrard (Framespa – Toulouse Jean Jaurès) : "Documenter la guerre du Sahara du point de vue mauritanien (1975-1978) : dispositifs d’entretiens et quête d’archives"
résumé :
La guerre du Sahara, dans laquelle le gouvernement mauritanien lance en 1975 ses forces armées peu aguerries et qui, après de nombreuses pertes, pousse un groupe d’officiers à déposer le président au pouvoir depuis 18 ans, est un exemple de conflit dont la proximité dans le temps et les implications politiques non résolues multiplient la difficulté d’accès aux sources.
Le processus confus de décolonisation espagnole au Sahara, ainsi que les revendications agressives de souveraineté du Maghzen marocain et les atermoiements de la Mauritanie, dessinent les contours complexes des conditions de l’affrontement ; l’incorporation en masse de jeunes soldats et la logistique défaillante entraînent une situation chaotique.
Cette présentation revient sur les éléments qui expliquent la crispation autour de l’histoire de ce conflit en Mauritanie. Celle-ci se caractérise par une opposition, toujours à vif, entre les contempteurs de la légitimité de la guerre d’une part, et ceux qui défendent la mémoire combattante des nombreuses victimes, de l’autre. Le doute jamais dissipé sur l’existence et la disponibilité des archives de l’état-major de l’époque montre que la question pose toujours problème. Il s’agit de discuter la fabrique de l’histoire de la guerre en analysant des entretiens collectifs effectués avec des vétérans de statut subalterne et en les comparant aux récits issus de mémoires d’officiers ou de travaux journalistiques.

 8 avril :
Giovanni Zanoletti (docteur Université Paris-Nanterre) : "Le djihad de la vache” : pastoralisme et formation de l’État au Mali"
résumé :
L’analyse des dynamiques pastorales représente un inventaire de questionnement qui permet non seulement de réfléchir à l’économie politique et morale de l’élevage et au « gouvernement dans la violence » (Grajales) dans le milieu rural, mais aussi d’explorer d’autres catégories du politique, notamment par le biais du concept de « djihad de la vache ». Fil rouge de l’analyse du processus de formation de l’État, ce concept représente l’ébauche de certains traits d’un « "style" d’échanges sociaux » marqué par l’articulation entre la revivification de l’imaginaire culturel et historique de la vache et une militarisation des interactions politiques avec, en toile de fond, la transformation de l’économie politique de l’élevage engendrée par son insertion dans l’État-nation.

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Denia Chebli (doctorante en Science politique, Université Paris 1): "Lutte antiterroriste et formation des milices au Nord du Mali"
résumé :
"A partir des cas du MSA et du GATIA qui font office de supplétifs locaux de la force Barkhane, nous verrons comment le dispositif milicien réactive une lecture coloniale de la société malienne. En redéfinissant des conflits sociaux sur des bases communautaires, la lutte contre le terrorisme a ainsi paradoxalement participé à aggraver la conflictualité locale et à renforcer les mouvements ciblés."

 20 mai :
Camille Lefebvre (CNRS/IMAF) : "Le moment de l’occupation coloniale au Niger: entre aveuglement au statut et maintien des hiérarchies sociales"
résumé :
Comment une petite centaine de militaires français assistés de 500 tirailleurs ont-ils fait pour envahir et occuper les régions du Sahel et du Sahara central au tournant du XIXe et du XXe siècle ? Pourquoi ces sociétés et ces États sont-ils tombés ? L’objet de ce travail est de décrire l’occupation coloniale comme un phénomène social partagé, d’observer le temps vécu par une pluralité d’acteurs au moment même du basculement d’un monde, lorsque des sociétés fortement différenciées voient des étrangers, eux-mêmes très différents, prendre le contrôle par la force de leur territoire et de leurs institutions. Ce moment où la France s’arroge le droit de considérer une partie du monde comme un espace à s’approprier et se substitue aux gouvernements existants, au nom d’une supériorité civilisationnelle fondée sur une lecture raciste des relations sociales. Pour écrire cette histoire des mondes sociaux bouleversés par l’irruption coloniale, ce travail repose sur un travail micro-historique sur deux villes Zinder et Agadez et sur la mise en perspective d’une variété de documentations issues d’univers linguistiques et culturels différents, rédigées en français, en arabe, en haoussa, en kanouri et en tamasheq. Tenir compte des conditions sociales qui informent les relations coloniales et prendre comme objet les sociétés aux prises avec la colonisation selon leurs propres termes et dans leurs propres langues, permet de changer le regard porté sur le phénomène colonial et de révéler la nature des expériences inégales de la colonisation.

 10 juin :
Julien Gavelle (CASOA, Bamako) : "Crise au Mali en 2021 : économie-politique d’une transition fugueuse"
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Mahamet Timera (Univ . Paris VII, URMIS) : "Elites issues de l’école occidentale et islam au Sénégal. Anciennes et nouvelles figures d’affiliation/désaffiliation religieuse"

Néobab EHESS