Festival dédié aux sciences sociales
Marseille : du 22 au 26 septembre 2021
TOUT MIGRE ?
L’histoire de la vie sur Terre est une histoire de migrations. Ces migrations – vers le proche ou le lointain, temporaires, permanentes, circulaires, pendulaires, régulières, volontaires, ou non – ont façonné le monde tel qu’il est, le monde des humains autant que des non-humains : nos écosystèmes, nos langues, nos cultures, nos pensées, nos objets. Or, nous vivons une époque où le terme « migration » est de plus en plus associé à celui de problème, de risque voire de menace, tandis que les origines, les nationalités, les identités et les frontières tendent à être essentialisées et à servir de référents principaux dans notre manière de lire et de comprendre le monde.
Les déclarations humanistes un temps voulues universelles sont bafouées,
des principes fondateurs des grands systèmes légaux sont remis en cause,
des démarcations jusque-là invisibles se transforment en murs, des vies
sont brisées, enfermées, englouties.
Et si nous changions de perspective ?
Un tel changement demanderait d’abord que l’on décentre le regard sur les migrations, si absorbé qu’il est par les questions brûlantes de l’actualité. Qu’on appréhende la migration dans toute sa banalité, historique et géographique : après tout, toutes les sociétés sont issues des migrations. Mais comment alors les circonscrire ? La migration apparaît comme telle quand elle est conjuguée à son double intime : à l’immobilité, au désir, à l’impératif ou à l’illusion de rester sur place ; ou quand elle est confrontée à une barrière, sociale, politique, ou physique : quand elle se heurte. S’interroger sur ce que signifie migrer, c’est aussi s’interroger sur son contraire : les voyages qui promettent un retour, l’immobilité qui se présente comme « enracinement » mais qui n’est pas toujours choisie non plus.
À la fois festif et savant, Allez Savoir 2021 nous encourage à décentrer notre regard en étant réceptifs à de multiples voix. Grâce aux sciences sociales, on en saura plus sur ce que « migrer » veut dire en saisissant les phénomènes migratoires dans toute leur vivante diversité ; dans les modalités complexes d’expériences de vie où l’espoir et l’attente le disputent à l’angoisse et à l’échec. Ce décentrement passe aussi par un dialogue avec d’autres voix : celles des artistes, des écrivains, des militants et des associations ; au travers aussi de formats diversifiés : spectacles, expositions, projections, débats, visites inédites des musées, activités en plein air, balades urbaines, promenade en bateau, ateliers scolaires et familiaux. Les sciences sociales ont accumulé un savoir immense sur les migrations : partagé, discuté, critiqué, il doit permettre de changer de perspective et donc aussi, peut-être, de direction.
Alain Delissen & Judith Scheele,
Coprésidents du comité éditorial
