Home > News > Séminaires

Qui est vulnérable ? Retour sur une catégorie humanitaire

« Regards croisés », séminaire de l’IMAF-Aix, coordonné par Muriel Champy (Université d’Aix-Marseille) et Romain Tiquet (CNRS).
Voir le programme complet du séminaire.

vendredi 26 novembre
14h-17h
salle Germain Tillon, MMSH

Agathe Menetrier (ENS, Max Plack Institute)
« “Il faut sortir les Ouest-Africains LGBT”. A Dakar, légitimations de catégories de vulnérabilité et dissimulation de pratiques d’urgence au sein du Haut-Commissariat pour les réfugiés »

La réinstallation de personnes réfugiées vers un pays tiers est souvent présentée par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) comme une de ses missions les plus « humanitaires ». Dans les régions d’origine des réfugié·es, le HCR sélectionne les plus « vulnérables » d’entre eux et elles avant de proposer cette sélection à des pays européens et nord-américains en fonction des quotas et profils annuels fixés par ces derniers. Cette présentation aura pour sujet un programme particulier de réinstallation, dédié à des Ouest-Africain·es LGBT exilé·es à Dakar, au Sénégal. À travers l’analyse des positionnements des agent·es de réinstallation HCR, il s’agira d’interroger le rôle que leur statut d’expatrié·e des pays du Nord joue dans leur perception de la vulnérabilité des Ouest-Africain·es LGBT et de l’urgence de leur réinstallation dans des « démocraties sexuelles » dont ils et elles sont eux et elles-mêmes citoyen·nes. Penser ces pratiques de sélection « humanitaires » à travers le prisme d’une expertise occidentale permet de mieux comprendre les tensions et secrets entre staff « international » et staff « local » du HCR.

Agathe Menetrier est doctorante en sciences politiques à l’Ecole normale supérieure (Paris) sous la direction de Johanna Siméant-Germanos, rattachée au Centre Maurice Halbwachs, ainsi qu’en anthropologie sociale sous la direction de Jacqueline Knörr, au Max Planck Institute for Social Anthrooplogy (Halle). Ses recherches portent sur l’asile LGBT vu depuis l’Afrique de l’Ouest, où elle a effectué pour sa thèse un travail de terrain à Dakar, Banjul et Nouakchott en 2017-2018. Elle est également volontaire au sein de l’ONG Asylos, spécialisée en information pays d’origine.

Marie-Luce Desgrandschamps (UNIGE)
« Humanitaire, race et politique : la Croix-Rouge et l’Afrique subsaharienne (1876-1975) »

Basée sur une recherche en cours, la présentation s’intéressera au développement du mouvement de la Croix-Rouge sur le continent africain entre 1876 et 1975. Il s’agira tout d’abord d’analyser les relations que ce mouvement humanitaire entretint avec le processus de colonisation de l’Afrique, puis de saisir comment se développèrent des sections de Croix-Rouge dans les empires, dont certaines devinrent des sociétés nationales de Croix-Rouge africaines au moment des indépendances. Interroger les enjeux intellectuels, politiques et raciaux qui présidèrent à ces processus contribuera, d’une part, à mettre en lumière les multiples intersections entre les formes d’internationalisme, d’impérialisme et de nationalisme qui ont traversé le mouvement. D’autre part, cette étude permettra de complexifier le débat sur les racines coloniales de l’humanitaire et sur leur impact au moment de la décolonisation.

Marie-Luce Desgrandchamps est chargée d’enseignement au département d’histoire de l’Université de Genève et chercheuse senior au département d’histoire contemporaine de l’Université de Fribourg. Elle a publié en 2018 un ouvrage intitulé L’humanitaire en guerre civile. La crise du Biafra (1967-1970). Ses recherches portent sur l’histoire de l’humanitaire et elle collabore actuellement à deux projets de recherche : «Colonial transnational intimacies : Medical humanitarianism in the French external resistance», basé à l’Université de Manchester, et «La Croix face à l’étoile rouge : humanitaire et communisme au XXe siècle», basé à l’Université de Fribourg