Séminaire de Yannis Boudina, doctorant EHESS (IMAF)
Année universitaire : 2021 / 2022
Périodicité : Le lundi, de 8h30 à 10h30
Localisation : Salle 3.06, Centre de colloques, Place du Front Populaire, 93300 Aubervilliers
Calendrier : Du 7 mars au 20 juin 2022
Présentation :
L’anthropologie de la Kabylie fut étroitement associée à l’entreprise coloniale française en Algérie, et paraît encore payer la dette de cette filiation. L’opposition entre « arabe » et « berbère » autour de laquelle le discours colonial façonna le stéréotype du bon kabyle, villageois, démocrate et superficiellement musulman, constitue une matrice qui balise encore le champ des problématiques centrales des études berbères. En resituant cette région berbère au sein de l’anthropologie du Maghreb, ce séminaire envisage une anthropologie de la Kabylie contemporaine à l’aune de questions souvent négligées par la recherche sur la Kabylie : la citadinité et l’islamité. On entend ainsi jeter un éclairage sur les évolutions sociologiques de la Grande Kabylie contemporaine depuis la seconde moitié du XXe siècle, et nous intéresser aux formes d’action, répertoire de mobilisation et de protestation, qui se déploient dans la ville de Tizi-Ouzou. Le premier axe propose d’interroger l’anthropologie de la Kabylie à l’aune des outils de l’anthropologie urbaine. Si l’anthropologie de la Kabylie se constitua historiquement comme étude d’un univers rural, l’extension du pôle urbain de Tizi-Ouzou et l’urbanisation des villages depuis la seconde moitié du XXe siècle provoquent d’importantes mutations sociologiques qui invitent à adapter le regard scientifique. On verra alors comment se déploient, dans ces contextes, des styles de vie citadins, des modes d’identification à la ville et à l’espace urbain, traversés de références locales et transnationales. Le deuxième axe propose de jeter un éclairage sur la situation religieuse de la Grande Kabylie contemporaine, longtemps regardée comme superficiellement musulmane. A partir d’un examen critique de la littérature sur le « mythe kabyle », on s’interrogera sur la manière dont les discours coloniaux, puis militants, ont obscurcit la compréhension de l’islam de la région. De là, on proposera d’analyser les évolutions du salafisme contemporain, et ses adaptations aux règles du jeu social citadin. On verra notamment comment la ville, lieu de dilution de la « kabylité », facilite l’expansion de cette religiosité qui ne possède aucune implantation régionale historique. Le troisième axe s’intéresse au façonnement des subjectivités des jeunesses kabyles contemporaines, en Kabylie citadine. À l’aune de la protestation sociale qui agite le pays depuis 2019, on se demandera comment se dessinent, par l’investissement de l’espace public, par le réinvestissement de la scène politique, et autour de nouvelles formes d’expression, de consommation et de contestation, les subjectivités dans cette région d’Algérie.
CONTACT : iannis.bd@gmail.com
PROGRAMME :
INTRODUCTION : problematique et aire géographique du seminaire, l’etude des pratiques de sub-jectivation en grande-kabylie contemporaine.
– 08 mars 2022
Séance introductive : la subjectivation politique, histoire d’un impensé socio-anthropologique.
– 14 mars (reportée)
Délimitations conceptuelles, subjectivation, politisation, émancipation : de quoi parle-t-on ?
– 21 mars
La Grande-Kabylie dans les sciences sociales du Maghreb : histoire et délimitations d’une aire géographique et retour sur le « mythe kabyle ».
PARTIE 1 : la subjectivation comme agency, se constituer en sujet politique : faire sa place, re-vendiquer, critiquer.
– 28 mars
Constitution du sujet politique et espace public : faire sa place, revendi-quer, critiquer, (la pratique du débat public comme mode de subjectivation).
– 4 avril
Luttes sociales et protestation en Kabylie : quatre décennies de révoltes. Du Mouvement culturel berbère (MCB) au hirak de 2019 (1).
– 11 avril
Luttes sociales et protestation en Kabylie contemporaine : quatre dé-cennies de révoltes. Protestation islamiste, réislamisation, mouvements de piété (2).
PARTIE 2 : par-dela l’opposition « dominants / dominés » : la subjectivation comme art de jouer avec, déplacer, négocier.
– 9 mai
La subjectivation politique faite quotidien : se façonner dans la marge, dans le secret, dans l’ordinaire.
– 16 mai
La subjectivation par la négociation et le jeu subtil avec le pouvoir.
– 23 mai
Le « quant-à-soi » [Eigensinn] des dominés : s’extraire à la relation de domination.
PARTIE 3 : la subjectivation par-dela l’opposition « agentivité / conformation » : se faconner par la soumission aux normes ?
– 30 mai
La subjectivation par la conformation : technologies du sujet et façonnement de soi.
– 13 juin
Perspectives critiques : subjectivation et pluralité des régimes norma-tifs. Avec quoi - contre quoi – où ?
– 20 juin
Conclusion du séminaire