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Sorcellerie, histoire, anthropologie

Cycle « Le temps des esprits. Ce que la sorcellerie fait à l’histoire (et vice-versa) ».

Jeudi 7 avril 2022
Salle 21, 10h à 12h
FMSH, 54 bd Raspail, 75006 Paris


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https://cnrs.zoom.us/j/96947551902?pwd=VkJ6NXdMUy9xeUMwNFQ1cndGRGFJdz09

ID de réunion : 969 4755 1902
Code secret : 09t4ys


 1re conférence de Andrea Ceriana Mayneri
, CNRS – Institut des mondes africains

Au XXe siècle, l’étude des faits de sorcellerie (dans leur diversité sociologique et dans leur distance chronologique) a suscité d’intenses échanges entre historiens et anthropologues. L’approche qui appréhende ces phénomènes en les soustrayant à la « sottise » (L. Febvre, 1948) ambitionne à comprendre, en retour, comment et par qui, dans des moments historiques précis, des personnes et leurs imaginaires ont pu être constitués en récipients de menaces invisibles, avant d’être désamorcés par la répression des corps et par la réduction des idées au règne des « superstitions ». En anthropologie, la prise en compte de l’historicité des phénomènes observés a été un processus long, riche d’implications épistémologiques et politiques : dans cette transformation du regard disciplinaire, la problématique de « la sorcellerie » a joué un rôle important. En témoigne la phrase célèbre d’E. Evans-Pritchard dans sa monographie sur les Azande (1937), d’après laquelle « new situations demand new magic », sur laquelle nous nous attarderons encore, à la lumière des développements successifs de l’anthropologue britannique sur les rapports entre histoire et anthropologie, mais aussi du travail plus tardif de M. Douglas (1970). Nous allons nous concentrer progressivement sur le terrain africain : ici, nous distinguons – pour la clarté de l’analyse, car elles sont en réalité souvent imbriquées – trois approches. La première (qui dispose d’une solide tradition dans la littérature francophone) coïncide avec une anthropologie historique intéressée aux dynamiques mises en branle dans la situation coloniale et missionnaire. Une deuxième approche appréhende les faits du présent comme résultant de dynamiques de longue ou moyenne durée : le travail de L. White sur la diffusion de rumeurs de vampirisme et la discipline de la médecine coloniale (2000), ou celui plus récent de F. Bernault (2019) nous guident dans cette exploration des liens entre le présent et le passé. À partir de nos propres recherches en République centrafricaine, nous introduirons une troisième approche : les faits de sorcellerie (accusations, lynchages, procès) et l’imaginaire qui les sous-tend, esquissent une théorie locale du passé récent où le thème de la perversion, ou de la dépossession des pouvoirs anciens, est capital. L’analyse anthropologique de ces faits sociaux, politiques et religieux, prend ainsi la forme d’une étude sur la présence du passé dans le présent de cette région africaine. L’idée que la sorcellerie participe d’un véritable « régime d’historicité », se dégage au terme de cette première conférence.

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