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Les sciences sociales à l’épreuve de la pandémie

Appel à contributions

A l’occasion du forum Insaniyyat 2022 (Tunis) portant sur le thème "CriseS", nous lançons la plateforme "Faire avec", qui propose une réflexion collective sur les difficultés de la recherche en contexte de crise sanitaire. La section "Témoignages" invite les doctorant·e·s et jeunes chercheur·se·s à faire part de leur expérience des restrictions sanitaires. Comment avez-vous composé avec la crise sanitaire, la fermeture des frontières et des terrains ? Comment avez-vous redéfini votre dispositif d’enquête et vos angles d’analyse ? Quels expédients avez-vous trouvés pour poursuivre la recherche sans pouvoir accéder au terrain ? Quels sont les coûts personnels de l’enquête, ou de la non-enquête, en contexte pandémique ?

Le format des témoignages est libre (pour les textes, maximum 10 000 signes. Photographies ou illustrations bienvenues). Ils ne doivent pas répondre, sur le plan formel, aux exigences d’un article académique. Ils seront publiés sur le site internet "Faire avec" ainsi que dans un volume distribué à l’occasion du forum Insaniyyat se tenant en septembre 2022 à Tunis.


Plusieurs axes de réflexion sont envisagés :


 Adaptation méthodologique :

Comment avez-vous adapté votre regard scientifique et votre dispositif d’enquête à la fermeture des frontières ? quelles techniques d’enquête avez-vous déployées pour panser l’inaccessibilité des terrains ? quels sont les enjeux spécifiques aux techniques d’enquête off-site, en particulier aux techniques d’enquête numériques ? Quelle forme spécifique d’enquête off-site se déploie en contexte pandémique ?


 Sur les objets de recherches :

 Comment cette crise sanitaire se croise, se superpose, converge avec d’autres situations critiques - crises sociale, politique, économique, diplomatique ? Dans les contextes autoritaires, le confinement aggrave, et légitime, une situation de contrôle policier des espaces publics, autant qu’il encourage et renforce le recours à la sphère numérique comme espace de plus grande liberté, notamment pour des acteur·trice·s déployant des pratiques contestataires (artistes, militant·es). Dans ces contextes, la crise sanitaire prend place dans un contexte autoritaire duquel elle est indissociable. Comment la situation sanitaire et sa gestion entrent-elles en interaction avec d’autres modalités du politique ? Comment fonctionnent-elles comme amplificateurs d’autres crises ? Comment les acteur·trice·s s’adaptent-ils à cette double contrainte ; comment leurs pratiques s’adaptent-elles aux contraintes des technologies numérique ? Dans quelle mesure cet investissement de la sphère numérique préexiste à la pandémie et quels effets la pandémie a-t-elle eu sur ces pratiques ? Par ailleurs, cet espace numérique n’est pas un pur archipel de liberté et la répression y existe aussi. Comment les acteur·trice·s composent-ils avec ces contraintes ?

 Il serait également intéressant de penser conjointement l’évolution de la méthodologie d’enquête et celle de l’objet de recherche. La situation de Covid présente cette particularité d’affecter autant (bien que différemment) l’enquêteur·rice et l’enquêté·e : le chercheur·se ne doit pas simplement adapter ses techniques d’observation aux difficultés posées par l’enquête (comme cela peut être le cas quand on étudie des terrains sensibles ou d’accès incertain, comme les zones de conflits), il doit souvent s’adapter à la disparition même de ses objets (par exemple, le mouvement social algérien s’est arrêté net avec la crise.) Dans un mouvement rigoureusement conjoint, les acteurs s’adaptent à la pandémie, et l’ethnographe s’adapte à cette adaptation.

 Un autre aspect à explorer porte sur la manière le confinement permet d’examiner sous un nouvel angle certaines dynamiques sociales de nos terrains. La crise est moment de rupture, d’interruption des routines instituées, de fluidité, de redéfinition des places et des rôles, mais elle peut aussi donner lieu à phénomènes de rigidifications des habitus. Les questions sont donc : comment se redéfinit le social en contexte de crise ; quels aspects des sociétés sont-ils rendus saillants, ou à l’inverse invisibilisés, par la crise sanitaire ? que dit la crise à propos du social, notamment relativement : aux rapports de genre : par exemple, dans des contextes sociaux que les sciences sociales ont eu coutume de penser au prisme de l’opposition espace public / masculin versus espace privé ou domestique / féminin, comment se rejoue la distribution genrée des places et des rôles, alors que les espaces traditionnels de performance et de façonnement de la masculinité – café, mosquée, rue – sont interdits d’accès ; aux rapports de classe ; aux rapports d’âge, etc.


 Sur le rapport aux enquêté·e·s :

 L’anthropologie comme science de l’ici-et-maintenant, du monde social en train de se faire, se trouve affectée par une pandémie qui interrompt le cours des choses. Comment les sciences sociales sont-elles ébranlées par une crise qui affecte leur unité de savoir la plus élémentaire, à savoir le lien social ?

 dans les cas où le chercheur·se se trouvait sur son terrain au commencement de la crise, on pourrait être attentif·ve à l’évolution du regard de ses enquêté·e·s à son propos, tout au long de l’évolution de la situation sanitaire. Le chercheur·se devient progressivement indésirable, l’inconfort du terrain se trouve décuplé tandis que l’enquêteur·trice est regardé·e comme vecteur de calamité ; les ressources qu’il utilisait pour s’intégrer au terrain deviennent des stigmates (son européanité le rend suspect). Que dit cette indésirabilité de la relation entre le sujet recherchant et le sujet de la recherche ? comment la négocier en pratique ?

 En outre, quel positionnement éthique adopter face aux craintes suscitées par l’enquête scientifique ?


 Sur la profession même de jeune chercheur·se :

 Quels sont les coûts personnels de l’enquête en situation pandémique ? Comment vivre la recherche en situation de confinement compte-tenu de la fermeture des espaces de travail et des espaces de dialogue entre scientifiques ?

 Comment envisage-t-on son avenir en tant que jeune doctorant·e, dans une situation de crise sanitaire qui vient se superposer à une crise du monde universitaire caractérisée par une réduction des budgets alloués à la recherche ?

Les témoignages sont à envoyer à l’adresse : temoignages@faireavec.info avant le 18 septembre 2022.


CONTACTS/comité d’organisation :

Mathilde Bielawski : Mathilde.Bielawski@univ-lyon2.fr ; Yannis Boudina, yboudina@ehess.fr ; Eleonora Landucci : eleonora.landucci@gmail.com ; Laura Monfleur : lauramonfleur@dbmail.com ; Gaëlle Hemeury : hemeury.g@gmail.com ; Lena Richter : lena.richter@ru.nl