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Atelier des doctorants de l’lMAF (Site Raspail)

Séance du 20 février 2015, 15h à 17h
Site Raspail / IMAF, salle de réunion, 2e étage, 96 bd Raspail

  Eduardo Carrasco-Rahal, doctorant en science politique, Paris 3/Sorbonne Nouvelle
Le corps, propriété privée, propriété sociale ou propriété de Dieu

Discutant : Tonda Maheba, doctorant en sociologie, IRIS-EHESS

Résumé :
En matière d’éthique médicale et de gestion du corps, cohabitent des systèmes publics de santé, un système privé et des normes religieuses. La juxtaposition est hasardeuse. Pourtant, il peut être établi que, par delà des pouvoirs normatifs mal définis, émerge une bioéconomie déterminant trois formes de propriété du corps humain. De ces trois formes de propriété naissent des conseils de prévention de la transmission du VIH, mais aussi des pratiques médicales opposées. Ces trois modalités de propriété sont la propriété sociale, qui a permis l’eugénisme dans un passé récent tout en faisant la promotion de politiques sociales avancées de soins et de prévention, la propriété privée, qui privilégie la logique de l’assurance et de la responsabilité individuelle, et la propriété de Dieu, qui impose le rite comme norme médicale.
La question ne concerne pas seulement le VIH, et l’on peut, par exemple, trouver en Amérique Latine deux formes de cryogénisation des cellules souche issues du cordon ombilical. L’une est publique et son usage sur plus de 80 pathologies dont plusieurs sont mortelles (il s’y compte pas moins de neuf leucémies) dépend du principe du premier arrivé premier servi, et la deuxième, privée et chère, permet d’en faire tout usage, y compris commercial. Si ce sont ces cellules qui sont utilisées et non des cellules embryonnaires, c’est en fonction de préceptes religieux imposés comme principes de bioéthique, y compris là où l’avortement est légal. Il serait intéressant de juger les pratiques qui sont issues de ces trois formes de propriété, dont certaines qualités, comme le prêt à usage tel que le prévoit la loi, sont comiques, alors que d’autres font émerger des inégalités fondamentales dramatiques.
Au nombre de mes références se comptent Foucault (premier volume de l’histoire de la sexualité), Sociologie de la sexualité de Michel Bozon, Contrainte économique et Médecine, de Michel Geoffroy, La santé publique au service du bien commun, de Didier Jourdan.

 Pamela Millet Mouity, doctorante en sociologie des religions, CEIFR-EHESS (CéSoR-FIRA)
Corps et sexualité chez les néo-évangéliques d’Ile-de-France

Discutant : Pierre-Olivier Dittmar, maître de conférences en histoire, GAHOM (CRH-EHESS)

Résumé :
Ils sont parfois à l’entrée d’un immeuble, dans la rue, dans les transports en commun ou encore dans les centres commerciaux, ces « étrangers sur la terre ». Par la « pentecôtisation » de leur quotidien s’est constituée une communauté d’« étrangers sur la terre », qui procède par la rétrocession et la mise en commun du corps de chaque fidèle. D’une altérité ambiguë, ces néo-évangéliques franciliens, majoritairement issus (mais pas exclusivement) d’Afrique subsaharienne, des départements d’outre-mer, d’Haïti et d’Amérique latine sont une minorité religieuse au sens sociologique du terme. C’est par leurs pratiques quotidiennes, leur rapport à l’Autre, à l’argent, à la société globale et particulièrement au corps, qu’ils sont porteurs d’une « culture » nouvelle, sorte de cocktail explosif entre conformisme biblique et ouverture sur le monde. Ici, le souci du corps est primordial et s’inscrit dans l’économie de l’identification et de la distinction (Tonda, 2007 : 22). Savoir entretenir son corps et maîtriser les codes d’une sexualité « pure » représentent un enjeu majeur et donnent lieu à une multitude de normes corporelles et d’interdits sexuels guidés par la quête d’un idéal ; celui d’un corps saint, jauge et miroir, d’abord individuel, puis collectif d’une spiritualité exemplaire à tous égards. Le corps « investi » et « discipliné » engendre donc d’une part, des pratiques d’hygiène spécifiques et, d’autre part, une mise en ordre sexuée des pratiques sexuelles. Car, dans cet univers de sens, le corps du fidèle n’est pas le sien. Il est « le temple du Saint Esprit ». Il faut en prendre soin. La sacralisation de la sexualité qui en découle lors des « jeux érotiques » des corps en « action », tout en étant favorable à un brin d’inventivité et de créativité de la part des sujets, en est la preuve. Cette communication nous permettra donc de comprendre comment ces néo-évangéliques, dans un processus d’identification/différenciation et de construction des frontières entre eux, les convertis, et les autres, les « païens », habitent et négocient ces normes.

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