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Penser le temps et écrire l’histoire de l’Afrique

Séance du 3 juin 2015, 17h à 19h
Site Malher, salle 107, 9 rue Malher, 75004 Paris

 Yves Beringue (Paris 1/IMAF)
Penser le temps d’une frontière à travers le cas du Mali et de la Guinée (XIXe-XXe siècles)

Résumé :
Les deux États du Mali et de la Guinée sont séparés aujourd’hui par une frontière de 858 kilomètres, héritée de la limite administrative entre deux colonies de l’Afrique occidentale française. Au cœur de la réflexion géopolitique, la frontière doit être pensée comme un objet historique produit par les sociétés humaines. À la suite de Lucien Febvre, qui les considère comme des constructions intellectuelles humaines (1), Michel Foucher les définit comme « des temps inscrits dans des espaces (2) ». Cette construction sociale s’inscrit dans la durée et constitue un processus sans cesse renouvelé. La recherche menée sur une dyade (une frontière commune à deux États, Michel Foucher) avec une grande amplitude temporelle permet de penser les différents moments de l’histoire d’une frontière les uns par rapport aux autres. Le temps de la construction de la frontière obéit à des logiques propres à la métropole coloniale, dans la confrontation avec un espace et des populations, mais en se basant sur des processus anciens, inventoriés et mobilisés. Le temps de la transmission de la frontière transforme le statut de la limite intra impériale. La nouvelle frontière s’inscrit alors dans le champ des relations internationales et plus particulièrement dans celles qui se nouent entre deux États contigus. Ce changement conduit à des processus d’appropriation d’un territoire, mobilisant des représentations, des discours, fruits de temporalités collectives et individuelles et s’accompagnant de la mise en place de mémoires de la frontière. Enfin, les mutations économiques et sociales contemporaines, dans un contexte de mobilité croissante, s’inscrivent dans des temporalités très différenciées selon les acteurs et les échelles considérées et renforcent la complexité de la construction politique. Ainsi, les mineurs pratiquant l’orpaillage dans la haute vallée du Niger perpétuent des usages anciens de la frontière, mais sont connectés à différents réseaux transfrontaliers émergents.

Si l’on peut parvenir à une description temporelle de la frontière relativement linéaire avec des processus s’inscrivant dans le temps long, mais aussi des phases d’accélération des transformations, de rupture, les relations des acteurs à la frontière, les interactions transfrontalières, politiques, économiques ou culturelles doivent être l’objet d’analyses permettant de réfléchir à l’articulation de leurs différentes temporalités.

(1) Febvre Lucien, Pour une histoire à part entière, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1982, 859 p.

(2) Foucher Michel, Fronts et frontières : un tour du monde géopolitique, Paris, Fayard, 1991, 691 p., p. 43.

Discutante : Caroline Roussy (docteure en histoire, Paris​1)

Pour cette dernière séance de l’année, vous êtes cordialement conviés à venir partager un pot qui aura lieu après le séminaire.

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