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Cadres juridiques et stratégies des acteurs : droits et pratiques du droit dans les sociétés à esclaves ou post-esclavagiste

Appel à communication

Cette journée d’études, organisée par le Centre International de Recherches sur les Esclavages (CIRESC), accueillie par l’Institut des Mondes africains à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme d’Aix en Provence est conçue par une anthropologue Véronique Boyer, une juriste Annie Fitte-Duval et un historien Henri Médard, et a pour objet d’engager une réflexion croisée sur les incidences des règles juridiques dans des sociétés à esclaves et post-esclavagistes, ainsi que sur leur utilisation par différents acteurs sociaux aux intérêts divergents. Elle se tiendra le vendredi 18 mars.

Le droit en tant que procédure normée et normative se présente sous une forme écrite visant à établir un cadre codifié pour les relations entre l’État, les acteurs publics et le corps social, et entre diverses catégories de populations. Dans le passé, il assure le droit de certaines personnes à en détenir d’autres. Dans le présent, il peut chercher à garantir des droits pour des groupes pensés comme plus vulnérables que d’autres. Mais encore, dans d’autres situations actuelles comme là où sévissent des groupes islamistes armés au Moyen Orient (Daech) comme en Afrique (Boko Haram), des textes anciens peuvent aussi être instrumentalisés pour asservir les femmes.

Toutefois, si, aujourd’hui les traditions juridiques écrites nées du droit romain et des lumières prétendent à l’hégémonie, on sait qu’en réalité la question de l’esclavage et de ses héritages peut être envisagée dans des cadres juridiques divers. On sait que les réglementations et les pratiques ont pris des formes différentes selon les contextes nationaux et impériaux. Ces systèmes se sont rencontrés, superposés, affrontés ou ont même parfois coexisté en s’ignorant ostensiblement, laissant différents acteurs s’en emparer selon leurs propres intérêts. La co-existence de traditions juridiques abolitionnistes occidentales et de lois esclavagistes locales dans un contexte de gouvernement indirect constitue de fait un classique de l’histoire coloniale (cf Klein). De façon analogue mais pour le contexte musulman, la dialectique entre droit écrit d’inspiration islamique et droit oral d’inspiration locale est également un classique. Plus largement, ces éléments posent la question de la relation entre registres juridiques construits autour d’un corpus de textes écrits et ceux fondées sur l’oralité.. Enfin, des travaux ont montré que les dominés ont élaboré diverses stratégies, passant ou non par l’écrit, pour améliorer leur condition, que ce soit en s’élevant dans l’échelle sociale ou en s’intégrant dans les groupes dits minoritaires. Ce sont ces dynamiques du droit et de ses usages en contexte esclavagiste et post esclavagiste à travers le temps et l’espace qui nous intéressent.

Ces questions ont déjà été débattues, mais rarement dans la perspective pluridisciplinaire de cette journée. À partir d’études de cas concernant différentes situations géographiques et contextes historiques, il s’agira de s’interroger sur les manières dont les acteurs des sociétés concernées par l’esclavage ont pu se référer, ignorer ou contourner le cadre juridique formalisé ou non ainsi que les instruments créés par le droit.

Quelques pistes de réflexion sont proposées, mais elles ne sont pas exclusives. Dans quelle mesure les textes normatifs, codifiés ou non, ont-ils influencé les dynamiques serviles puis abolitionnistes ? Quelles stratégies ont été mises en œuvre dans les sociétés à esclaves et post-esclavagistes pour tirer parti des contraintes juridiques ou utiliser les carences du droit ? Comment par exemple ont été utilisées les règles juridiques ou les contentieux pour faire évoluer les conditions des esclaves ou au contraire fixer et renforcer les différences de traitement ? Comment sont-elles encore utilisées aujourd’hui par les plus défavorisés pour attirer l’attention de l’Etat – et cela produit-il de nouvelles inégalités ? Comment les réalités ou les mobilisations sociales ont –elles pu contraindre à la réécriture du droit ?

L’ambition de cette journée d’étude est donc d’instaurer un échange transdisciplinaire autour de l’influence du droit écrit et/ou des pratiques juridiques dans les sociétés à esclaves ou post-esclavagiste.

Procédure et calendrier :

Les intentions de contributions (titre et résumé ne dépassant pas 1000 signes) doivent être adressées à Véronique Boyer (veronique.boyer@ehess.fr), Annie Fitte-Duval (afitduv@neuf.fr) et Henri Médard (Henri.Medard@univ-amu.fr) au plus tard le 5 janvier 2016. Les communications sélectionnées devront être rendues le 12 février 2016.