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Axe 6 : Genre, corps, subjectivités

Cet axe rassemble des historien-nes, des anthropologues, des archéologues et des politistes qui enquêtent sur la dimension genrée des sociétés africaines, le genre étant davantage compris comme une grille d’analyse du social que comme une thématique en soi. Les recherches menées en son sein examinent les modalités selon lesquelles les sociétés définissent les assignations de genre et organisent les rapports sociaux de sexe. Elles étudient également la gestion des corps, ainsi que la question de l’individuation et des formes de la subjectivité.

Genre et mobilisations collectives
Les travaux conduits au sein de ce premier volet étudient les effets des violences politiques sur les vies individuelles ainsi que leurs inscriptions mémorielles dans les sociétés de l’Afrique contemporaine. S’intéressant à des trajectoires d’hommes et de femmes engagé-es dans des contextes de conflictualités intenses, ils tentent de comprendre comment le genre se reconstruit et se réinvente dans les situations de violence. D’autres recherches portent sur les alternances politiques et sur la place qu’y occupent les femmes du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne. Elles explorent la contribution des femmes issues des classes populaires et des élites aux changements de régime à travers l’analyse des conditions d’accès et de participation des femmes au champ politique dans ces « moments de crise ». Un troisième ensemble de travaux s’intéresse aux mobilisations des travailleurs domestiques. L’étude de ces processus est l’occasion d’explorer les changements sociaux qu’ils induisent, obligeant en particulier à relire la hiérarchisation sociale et les liens de dépendance et de domination qui organisent les sociétés. Elle permet également de mettre au jour les moyens d’action, différenciés selon leur sexe, des domestiques et de leurs employeurs. Elle explore enfin le travail domestique lui-même, éminemment genré mais de façon variable au cours du temps.

Africains et africaines en migration
Les recompositions des identités genrées (féminines et masculines) en contexte migratoire font l’objet de plusieurs études. L’une d’elles porte sur des répertoires de chants articulant le genre, le religieux et la migration au Burkina Faso et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Une autre recherche s’attache aux dimensions genrées des débats sur l’émigration. D’autres travaux se penchent quant à eux sur le retour au Mali d’hommes soninkés, dans une perspective historique (de 1970 à nos jours). Une attention particulière est alors portée à la question des masculinités remodelées au sein d’espaces familiaux transnationaux.

Genre et fabrication des savoirs sur l’Afrique
Les recherches sur la dimension genrée de la fabrication des savoirs sur l’Afrique, en étroite relation avec l’axe 1, comprennent des travaux sur les productions scientifiques et les choix de terrain, d’objet ou d’écriture des femmes anthropologues. D’autres recherches portent sur les collections anatomiques du Gabon sur les collections naturalistes comme sources d’histoire. D’autres études s’inscrivent dans le cadre d’un travail sur l’histoire de la famille à Madagascar aux XIXe et XXe siècle. L’exploration des sources missionnaires et la conduite d’enquêtes ethnologiques auprès de différentes catégories de population permettent d’explorer les représentations sur les rôles genrés au sein de la famille, ainsi que la manière dont elles alimentent les actions conduites en termes de politique familiale et conduisent à figer ou reconfigurer les rapports sociaux de genre.

Images et genre
Les chercheur-es regroupé-es autour du thème « images et genre » se proposent de contribuer aux études sur le genre en Afrique en travaillant à partir de sources iconographiques (picturales, photographiques, filmiques…), particulièrement riches pour l’analyse de la dimension normative et symbolique, mais aussi sensorielle et émotionnelle des rapports de genre. Aux images correspondent aussi des pratiques sociales, qu’il s’agit d’étudier en relation avec les supports matériels, les usages, les circulations et les techniques de production, pour une meilleure compréhension des relations entre esthétique, représentations et imaginaires de genre. Sont étudiées les correspondances entre les styles et les thèmes représentés, les pratiques économiques, les organisations politiques, les spécialisations artisanales, les préoccupations spirituelles et les représentations d’hommes et de femmes dont le rapport numérique apparaît très inégal selon les périodes et les contextes. L’analyse de la visibilité, de l’invisibilité et de la visualité des corps genrés permet en effet d’appréhender sur le temps long les interactions à l’œuvre entre images, genres et sociétés africaines. Cette approche est appliquée à l’Afrique contemporaine (corpus de photographies) mais également développée sur le temps long à partir des peintures et des gravures rupestres du Sahara depuis le Ve millénaire avant J.-C (corpus archéologique).

Gouvernement des corps
Des travaux questionnent les enjeux de l’emprise institutionnelle sur les corps des populations assujetties, dans le cadre des politiques impériales menées en Afrique par les pays européens aux XIXe et XXe siècles. L’émergence du « droit colonial » constitue le cœur de ces recherches. En situation coloniale, le corps – que nous prenons en compte dans ses dimensions tout à la fois biologique, culturelle, psychologique et symbolique – devient un référent essentiel des discours et des pratiques juridico-administratifs. Les références à la « race », à l’« aspect physique », à la « mentalité » et à l’état de santé reviennent sans cesse dans les discours des législateurs, des juristes et des administrateurs exerçant outre-mer. Il s’agit ainsi d’analyser la place et la signification que ces éléments acquièrent au sein de ces discours, de montrer de quelle manière ils sont mobilisés pour penser et pour faire fonctionner des statuts de droit public comme de droit privé, et de faire ressortir la manière dont les institutions occidentales contribuent à forger un imaginaire sur le corps de l’« indigène » et à assurer, par ce biais, le maintien de l’ordre socio-juridique colonial.
D’autres recherches examinent quant à elles le concept de race dans le contexte des sciences naturelles et biomédicales. Là encore, il s’agit d’identifier les processus de racialisation et les usages de la « race » qui sous-tendent le traitement social des « autres » (esclaves, colonisés, étrangers, subalternes…) au cœur des rapports de domination. Il est également prévu d’appréhender les prolongements des questions d’identité/altérité à travers la gestion contemporaine des produits issus du corps humain, notamment à travers les questions relatives au sang (circulation des produits sanguins, difficultés sociales et culturelles des dons de sang etc.) et les usages de la génétique/génomique (recherches d’ancestralité par l’ADN, médecine dite spécialisée, thérapie génétique). Ces questions très contemporaines sont examinées dans une perspective historique. Ainsi, une recherche a débuté sur les collections anatomiques du Gabon comme sources d’histoire. Ce travail permet tout d’abord de documenter les collections patrimoniales françaises grâce aux documents-sources (archives, étiquettes, registres d’inventaire, récits de voyageurs, etc.), mais il entend aussi montrer les liens entre les voyageurs, les savants naturalistes, les collectionneurs, les institutions muséales, les sociétés savantes et l’entreprise de conquête coloniale.
Des projets prennent par ailleurs forme autour des femmes en prison et de la prise en charge de la santé mentale en Gold Coast à l’époque coloniale. Dans les deux cas, l’enfermement, la médicalisation, le contrôle des corps et des individus seront des grilles de lecture indispensables pour comprendre les enjeux de pouvoir mais aussi l’histoire sociale des institutions carcérales ou médicales.

Histoire et anthropologie des affects
Émotions et affects représentent une dimension fondamentale des expériences, des imaginaires et des mémoires des individus, mais aussi de la dimension socio-politique des collectivités. Dans le prolongement de travaux pionniers sur l’amour en Afrique, dans lesquels celui-ci, étudié à travers différents médias, est présenté comme le miroir de problèmes moraux, sociaux et économiques auxquels apporter des solutions de développement, des chercheur-es de l’IMAF s’intéressent aux questions que soulève le traitement d’un tel objet. Pour chaque société étudiée, il s’agit de questionner la possibilité de définir des affects et d’en établir des taxonomies, ce qui suppose également de s’interroger sur la manière de les identifier dans les sources écrites ou dans les entretiens. La réflexion porte enfin sur les implications de l’étude des affects dans les sciences sociales : celle-ci pourrait-elle nous mener à une relecture du rôle du corps, de l’intersubjectivité ou de la réflexivité ? Il s’agit donc de reconsidérer les affects à la lumière du tournant ontologique, qui souligne le rôle de l’intersubjectivité ainsi que la dimension corporelle des affects, de repenser le rapport entre textes et affects, et d’affiner les outils méthodologiques et conceptuels permettant de repérer les affects et leur fonctionnement dans le monde social et politique.