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Axe 5 - L’art, objet politique

L’art produit du politique et doit donc être est envisagé comme un acteur réel du politique. Les études au sein de cet axe rendent compte de la création, du fonctionnement et du pouvoir des expressions artistiques. Embrassant une vaste gamme d’arts visuels et expressifs, elles soulignent la pertinence de l’art pour théoriser l’histoire afin d’interroger les rapports politiques.

L’époque à laquelle les « visualités » avaient rang d’illustration et étaient reléguées dans les annexes du texte stricto sensu est aujourd’hui révolue. Penser l’histoire et le politique passe désormais par une réflexion engagée sur l’efficacité propre des visualités et de leurs potentialités. Cette approche ne ressort pas au seul domaine des études africaines, mais la déployer à partir de l’Afrique et de ses diasporas est d’autant plus prégnant que les recherches sur l’art en Afrique sont interdisciplinaires depuis bien plus longtemps qu’ailleurs. Les chercheurs qui se rattachent à cet axe dépassent la définition linéaire de l’histoire et celle que lui donnent les professionnels de l’art, pour envisager toutes sortes de créations qui expriment, grâce à des formes spécifiques, une position dans le monde.

Les chantiers de recherche développés pendant le quinquennal se structurent autour de trois principes :
 la transpériodicité ;
 la transmédialité pour les sujets de recherche comme pour les produits de la recherche. Combinant anciens et nouveaux médias, elle a des conséquences cognitives évidentes et permet d’envisager la production du savoir sous un nouvel angle, plus ouvert que précédemment, l’écrit tendant à perdre son monopole de scientificité ;
 la transdisciplinarité, puisque nous cherchons à fédérer les savoirs afin de produire de nouveaux objets de réflexion en travaillant avec des botanistes, des chimistes, des chorégraphes, des metteurs en scènes, des plasticiens et des spécialistes du numérique.

Les chantiers spécifiques menés au laboratoire s’intéressent aux problématiques suivantes :
 Comment travailler sur des objets, dispositifs visuels, vestiges, performances, en l’absence de documentation écrite et même parfois orale ? L’analyse des formes, des iconographies et des matériaux pour écrire l’histoire de l’Afrique ancienne, développée plus particulièrement sur les arts rupestres et visuels en Éthiopie, en République Démocratique du Congo et en Angola, est menée en parallèle à une réflexion épistémologique à partir des méthodologies contemporaines pour l’étude des objets anciens.
 Comment, à travers le développement d’écoles et de salons, longtemps hégémoniques, une histoire des beaux-arts s’articule-t-elle avec une analyse des pratiques différentiées de création dans des situations de contacts et dans des contextes coloniaux et postcoloniaux (de Saint-Domingue à Haïti d’une part, en Tunisie et Égypte d’autre part).
 Comment les artistes et les acteurs politiques s’approprient-ils les héritages artistiques et les nouvelles technologies ? Il ne s’agit pas seulement d’étudier les « récupérations » ou les manipulations, mais aussi de voir comment la création artistique produit du politique. Les objets envisagés comprennent expositions, festivals, performances, pièces de théâtre, danses, films et vidéos, séminaires centrés sur les travaux de chercheurs internationaux. Une attention particulière doit être prêtée à la vidéo populaire, qui, à partir du Nigeria, a essaimé dans de très nombreux pays. Sans dépendre de financement extérieur, ce genre cinématographique longtemps méprisé est devenu un moyen d’expression majeur, qu’il ait des motivations sociales, politiques ou religieuses ou des préoccupations plus consuméristes.
 Comment les arts jouent-ils un rôle moteur dans la construction d’espaces panafricains et comment fonctionne le panafricanisme entre créateurs africains ? Un projet centré sur un ensemble de festivals des années 1960 et 1970 s’intéressera à la façon dont ils ont constitué un laboratoire clé pour l’articulation de relations politiques entre l’Afrique, les Amériques, les Caraïbes et l’océan Indien. Un autre projet posera cette question du point de vue des festivals d’art de la scène contemporaine comme moteurs de développement à l’échelle locale, nationale mais également continentale.
 Quel rôle joue la danse au sein de ritualités émergentes dans les sociétés contemporaines ?
 Comment les archives visuelles permettent-elles de renouveler les recherches sur les migrations ? La question sera posée à partir d’archives privées collectées au Mali.
 Comment les artistes contemporains, en particulier dans les domaines de la performance et de la vidéo expérimentale, œuvrent-ils à façonner l’espace urbain ? Quels regards politiques, au sens large du terme, posent-ils sur les villes qu’ils habitent et par lesquelles ils transitent ?

Les recherches et les séminaires liés ​à cet axe sont conçues non seulement pour permettre une meilleure prise en compte des questions artistiques dans les recherches en archéologie, histoire, anthropologie et sciences politiques, mais aussi pour renforcer la formation en ce domaine. L’objectif est également de mettre en place ou de renouveler les collaborations avec les chercheurs africains sur ces questions (notamment sur les « Anthropologies numériques » en Afrique).
Penser ce qui « fait art » en Afrique et réfléchir à sa réception sur les marchés de l’art et auprès du public, qu’il s’agisse de l’art contemporain, du cinéma ou des arts de la scène, en questionnant leurs statuts « exotiques », est essentiel. Nous prenons acte que travailler sur l’art en Afrique est aujourd’hui un geste engagé et qu’à ce titre nos approches du sujet sont un acte politique qui demande réflexion en tant que tel. Un colloque mettra en avant cet espace critique très particulier des recherches sur l’art et sur le politique sur le thème de « la pertinence de l’art pour théoriser l’histoire ».