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Radio et télévision dans les Afriques : anciens objets, nouvelles approches

Séminaire organisé par Aïssatou Mbodj-Pouye, chargée de recherche, CNRS (IMAF) ; Florence Brisset-Foucault, maîtresse de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IMAF)

Année universitaire : 2021 / 2022
Périodicité : 2e lundi, de 14h30 à 16h30
Localisation : Bâtiment EHESS-Condorcet, salle gradinée, 1er étage, 2 cours des humanités, 93300 Aubervilliers
Calendrier : Du 11 octobre 2021 au 13 juin 2022


Attention !
(En raison de la situation sanitaire) L’accès au séminaire est soumis à une demande de participation.
Le lien pour déposer votre demande sera affiché ici la semaine du 27 septembre 2021.


Présentation :

À l’ère digitale, radio et télévision continuent à jouer des rôles clefs dans les dynamiques culturelles, sociales et politiques des sociétés africaines, rurales et urbaines. Au-delà de la circulation de l’information, le recours à ces medias a façonné les subjectivités politiques et constitué un espace unique d’expression individuelle et collective sur plusieurs générations.

Loin d’être démodée, l’étude de ces médias est plus que jamais d’actualité : d’une part pour recueillir des traces matérielles et discursives de l’histoire récente des sociétés africaines, et d’autre part pour comprendre des situations présentes caractérisées par l’existence de différentes strates médiatiques, dans des pratiques qui combinent souvent « anciens » et « nouveaux » médias.

En outre, elle bénéficie ces dernières années d’un renouvellement épistémologique majeur. Les médias africains ont longtemps été approchés sous un registre normatif : on déplore souvent leur « manque de professionnalisme », leur influence dans « l’exacerbation des identités ethniques » ou on célèbre au contraire leur rôle dans le « développement » et la « pacification » sans pour autant en réaliser une anthropologie ou une sociologie historique qui permettent de révéler de quelles dynamiques économiques, sociales, politiques et culturelles ils sont le révélateur, voire le catalyseur. À rebours de cette tendance, ce séminaire entend donner la part belle à des travaux permettant de rendre justice à la richesse et à la complexité des productions médiatiques qui se déploient et se sont déployées sur le continent.

Ce séminaire vise à dresser un état des lieux des travaux récents et en cours sur les médias audio-visuels, dans une approche pluridisciplinaire qui réunit anthropologie, science politique, sociologie, histoire et histoire des sciences. Nous sommes particulièrement intéressées par les thématiques suivantes : les dimensions genrées de la production médiatique ; la question de langues et la stabilisation de genres vernaculaires ; le rapport à l’État, à l’exercice du pouvoir, aux idéologies variées du développement ; l’insertion dans les réseaux transnationaux d’aide, d’advocacy mais aussi dans le capitalisme mondialisé de la culture et de la technologie. Nous serons attentives aux questions de méthodes et de réflexivité sur l’enquête : ainsi nous traiterons de question du recours aux archives, dans des fonds publics et privés, et de leurs usages dans l’enquête, et nous inciterons les intervenant.e.s à la présentation de leurs démarches, pour réfléchir notamment à la manière d’associer analyses de l’image et/ou du son aux outils plus classiques de nos disciplines (ethnographie, recherche en archives, analyses textuelles).

Les séances alterneront entre lectures et présentations de travaux en cours, par des collègues basé·e·s en France et à l’étranger.


CONTACT :
aissatou.mbodj-pouye(at)cnrs.fr, Florence.Brisset-Foucault(at)univ-paris1.fr


PROGRAMME :

 11 octobre 2021 :
Aïssatou Mbodj-Pouye, CNRS, IMAF.
Daaru do lenki (hier et aujourd’hui). La production de récits historiques à la Radio Rurale de Kayes (fin 1980s-début 2000s)

Qu’est-ce qui compte comme récit historique ? Qui est légitime pour parler publiquement du passé ? Quel type d’histoire locale est-il possible de diffuser via la radio ? Je tâcherai de répondre à ces questions à partir de l’étude d’une émissions historique réalisée à la Radio Rurale de Kayes, de l’ouverture de cette station en 1988 au début des années 2000. Dans les premiers temps de la Radio Rurale de Kayes, le travail de terrain était valorisé, notamment autour d’un pôle de productions dites « socio-culturelles » qui consistaient à enregistrer dans les villes et villages de la région des récits, contes et chansons. M’appuyant sur la classification de certains de ces récits comme historiques par les animateurs chargés de collecter et d’éditer ces émissions, je me demanderai ce que le travail radiophonique fait à la production historique à Kayes au moment où le Mali bascule d’un régime militaire à un régime démocratique. Je montrerai aussi qu’au-delà du genre attendu du récit de fondation d’une localité, récit fait selon des normes établies et par des orateurs autorisés, des comptes-rendus plus libres du passé sont aussi enregistrés et diffusés.

 8 novembre :
Robert Heinze, Institut historique allemand (IHA)
“Beyond Independence. Audiences, broadcasters and professionalisation in Namibian guerrilla radio”

 13 décembre :
Arthur Asseraf, University of Cambridge
« Ici la voix de qui ? Écouter la radio en Algérie avant et après 1962 »

 10 janvier 2022 :
Gaetano Ciarcia, CNRS, IMAF
Indépendantisme et usages du passé sur les ondes de RadyoTanbou en Guadeloupe

Créée en 1982, à la suite de la loi française autorisant les radios libres, RadyoTanbou est un média militant en faveur du mouvement indépendantiste guadeloupéen et des courants idéologiques qui le constituent. Nous aborderons dans un premier temps quelques événements saillants ayant scandé la vie de ce média au cours des cinquante dernières années. Par la suite, l’analyse se focalisera davantage sur la place prise au sein de la radio par des thèmes récurrents comme ceux du souvenir des luttes politiques passées, de la période esclavagiste ou de l’héritage culturel afrocentrique. De tels sujets font à la fois l’objet d’émissions et de débats mais aussi de manifestations publiques - cérémonies, meetings, journées de rencontre entre activistes, marches commémoratives - relayées de manière presque systématique par la radio. Si de nos jours, l’audience locale de la station interagit avec la diffusion désormais globalisée de ses programmes via Internet, la "Radyo a Pèp Gwadloup" (la "radio du peuple guadeloupéen") continue de témoigner de la volonté de ses responsables d’inscrire les enjeux sociaux et mémoriels du présent dans la durée "patriotique" et "anticolonialiste" de leur engagement.

 21 février :
Emma Park, The New School for Social Research
Expert Maintainers of Technics and Culture : African Knowledge Workers, Radio Broadcasting, and Past Futures in Colonial Kenya

 14 mars :
Dina Ligaga, Wits University
Mapping the politics of everyday life in Kenya through radio drama

Abstract
The idea of everyday life in this paper stems from the content of the radio plays I engage with. These are plays that dwell on themes of mostly marriage, life, sex, and romance, while their settings are almost always the domestic space. As I hope to show, the plays in their narrativization of everyday life, deal with everyday realities of life. This article hopes to highlight these engagements and nuances of radio drama, while locating the radio plays within the larger contextual landscape and soundscape of Kenya. Methodologically, the analyses focus semiotically on the plays’ engagements with sounds and references, while also more broadly looks at the contextual politics within which the plays are set. In the background to the study is a constant examination of the broadcasting world, and what the broader institutional decisions made about programmes like Radio Theatre (which is the show upon which all the plays are drawn) meant for the products that were produced time and space. These variations in themes and emphases are products of time as well as the politics of the day.

 11 avril :
Sébastien Boulay, Université de Paris, CEPED
Radio Mauritanie : un nouveau média pris dans la tourmente de la vie politique ouest-saharienne postcoloniale (1958-1978)

Résumé
Ma communication aura pour point de départ la naissance à Saint-Louis de Radio Mauritanie à la fin des années 1950, dans un contexte de décolonisation et de fortes turbulences dans la vie politique régionale nord-ouest africaine. Elle traitera des relations complexes entre ce nouveau média et les artistes de cette époque, d’abord réticents à s’y faire enregistrer puis rapidement acquis - sauf rares exceptions - à ses nombreux avantages de diffusion. On verra comment cette radio installée à Nouakchott en 1961, unique média électronique dans ce pays encore très majoritairement habité par une population nomade, est très vite devenue, une arme politique clé pour Moktar Ould Daddah, "Père de la Nation", dans son entreprise de délicate construction de l’Etat-nation et face aux foyers de contestation : externe, avec les velléités expansionnistes marocaines - le Maroc ne reconnaîtra l’indépendance de la Mauritanie qu’en 1969 - mais aussi interne, avec des mouvements de contestation qui émaneront de la jeunesse mauritanienne, antiimpérialiste et éprise de révolution, et qui se signaleront par une importante mobilisation des artistes.

 9 mai - ATTENTION AU CHANGEMENT DE SALLE : salle 0.015, bâtiment Recherche Sud
Thomas Leyris, Université de Lille
Un projet néocolonial ? Concevoir une radiodiffusion pour les Africains de l’empire français d’Afrique sub-saharienne dans les années 1950

Résumé
Lorsqu’ils parlent de l’action de la Société de radiodiffusion de la France d’outre-mer (SORAFOM), des témoins et certains chercheurs affirment que la société et son fondateur, Pierre Schaeffer, auraient anticipé les décolonisations de 1960. En effet, la traversée relativement calme que les jeunes radiodiffusions de Madagascar, d’AOF et d’AÉF effectuèrent entre la période coloniale et les indépendances, comme la poursuite de la présence de la SORAFOM après 1960, incitaient à penser à une décolonisation originelle de ces stations. L’examen approfondit de la philosophie adoptée par la société pour construire des radios qui seraient authentiquement africaines permet cependant de nuancer largement ce propos. La conception de l’état d’esprit de la SORAFOM se place en effet au carrefour d’influences complexes qui sont loin d’avoir toutes rompues avec les traditions coloniales françaises. Ma communication se proposera donc de retracer la généalogie idéologique qui a conduit à la formation d’un état d’esprit SORAFOM, auquel de nombreux Africains ont adhéré. Elle montrera comment cette conception s’est confrontée aux réalités des jeunes États et des sociétés « réelles » qui les habitaient.

 13 juin : ATTENTION : relocalisée en salle 3.07 du Centre de Colloques
Audrey Gadzekpo, University of Ghana
Witness History : Reimagining narratives of wartime radio in colonial Africa from an insider’s perspective

Abstract
The Second World War marked a critical moment in the rapid development of radio in Africa, providing the incentive for expanding a medium that could carry news on the progress of war in local languages that the colonised could understand. In the Gold Coast (now Ghana), for example, where 65,000 soldiers were fighting alongside British forces in Burma and the Far East, a newly established radio service soon became an important part of the escalating media wars being waged between allied and axis powers elsewhere. Albeit rather scanty, the literature documenting how British authorities executed their propaganda campaign in colonies such as Northern Rhodesia (now Zambia) and the Gold Coast offers strong evidence of the pivotal role radio played during the war and immediate post war years. Largely missing from these historical narratives is the role indigenous broadcasters played in the ‘war of the airwaves,’ and their overall contribution to wartime programming in the colonies. This presentation aims at addressing this lacuna in scholarship by examining the role Gold Coast vernacular announcers played during the Second World War and their general influence on the development of radio in Ghana. This reimagined account of war and radio is largely informed by the unpublished memoir of the pioneer vernacular announcer, Benard Sendzi Gadzekpo. Titled Ghana Muntie (meaning ‘Ghana Listen’), Gadzekpo provides unique insights into how the “battles at the microphone” were waged in the Gold Coast as part of a larger war effort, and invites a fresh reading of the deployment of radio in the colonial experience.

 Séance conclusive (date à définir)